Texte et mise en scène: Jean Claude Magnin
avec : Quentin Baillot, Emeline Bayart, Éric Berger, Manuel Le Lièvre
C’est l’histoire d’un mec, enfin d’un pauvre mec, stagiaire depuis 3 ans dans une boite aux activités stupides, même pas marié, même pas propriétaire, un peu stupide, une sorte de raté, pas spécialement sympa non plus, bref un homme d’une très grande banalité (comme il en est partout).
C’est le milieu du travail, la scène est barrée par les portes d’un ascenseur, symbole de la bureaucratie.
Le fondateur de la boite que Donald (le stagiaire, pas le canard) a rencontré une seule fois à la cafeteria, a été mis dans un placard, à la suite d’on ne sait quelle manigance de prise de pouvoir, fréquentes dans les organisations actuelles. Très vite après cette rencontre, le fondateur déchu se jette dans un canal, attaché à son scooter.
On cherche quelqu’un pour l’homélie devant le cercueil, quelqu’un qui l’aurait connu. Et on ne trouve que Donald, le stagiaire paumé, qui a été vu à la cafeteria, avant le geste fatal. C’est Donald qui va certifier que, comme le souhaite le manager de la société pour étouffer le scandale, qui va certifier donc que le suicidé avait des problèmes personnels….Car bien entendu, (et je sais que beaucoup s’y retrouveront) , il n’est pas question d’entendre qu’on pourrait se suicider pour des problèmes liés au travail, non, car il est bien évident que la dépression est occasionnée par des facteurs bien plus intimes et personnels que le travail…..
Donald, propulsé unique ami du suicidé, se voit confier la tâche d’aller voir la veuve de cet ancien patron, et d’écrire le discours convenu.
Tout dérapera, et la firme, qui, comme toutes les firmes, n’a aucune autre compassion que celle de son intérêt (et ceux de ses dirigeants), promeut notre Donald, qui a prononcé un affreux lapsus en confondant canal et canard, lequel s’est répandu comme une fusée dans les réseaux sociaux, et a hissé la réputation de la firme à un rang planétaire.
Donald, transformé en cadre, se comporte comme un cadre, ne comptant pas ses heures et s’investissant au-delà du raisonnable.
On rit, oui, on rit beaucoup ! Même devant le catafalque du noyé, il y a des moments d’humour, des pitreries qui rendent cette pièce (qui traite d’un sujet lourd comme on aura compris) burlesque et corrosive.
Je crois que l’auteur a trouvé le ton juste pour parler du harcèlement au travail et de ses conséquences, pour montrer le cynisme dans la vie professionnelle, pour dénoncer la cruauté de ceux qui sont simplement des êtres humains sans humanité…des âmes mortes, comme il s’en trouve plein au travail et ailleurs.
Très bon jeu des acteurs et spécifiquement de l’actrice qui assume des rôles très différents avec un jeu si fin qu’il en arrive à incarner la convention théâtrale. Elle n’a même plus besoin, au fil du spectacle , de changer son costume pour qu’on comprenne qu’elle change de personnage.