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Vangelo (théâtre du Rond-point, mise en scène Pippo Delbono)

Vangelo (théâtre du Rond-point, mise en scène Pippo Delbono)

« La religion est une demande d’âme dans un monde sans âme » a dit Marx.

La mère de Pippo Delbono, lui avait instamment demandé, avant de mourir, de faire un spectacle sur l’évangile, pour donner au moins un message d’amour. Pippo Delbono, dans un précédent spectacle montrait même l’agonie de sa mère qui, au dernier souffle de sa vie, avait encore la force de réciter par cœur les mots de Saint Augustin, scène terriblement puissante, message chuchoté avec une force inouie, un moment que je n’oublierai jamais.

Et cette nouvelle pièce de l’enfant terrible du théâtre contemporain est justement intitulée « Evangile ».

Le théâtre de Pippo Delbono est issu de son apprentissage avec Pina Bausch, l’immense danseuse de Wuppertal, qui a révolutionné la conception de la danse, par la scénographie utilisée et par l’ « utilisation » du corps des danseurs dans leur expressivité et leur capacité à transmettre des émotions.

On retrouve donc dans cette pièce quelques caractéristiques des spectacles de Pippo Delbono :

  • Sa voix très proche du micro, dans un souffle, tout près de nous aussi, qui commence à créer l’ambiance, « J’ai pensé à toutes les prières de mon enfance dans l’église où j’interprétais Jésus enfant, moi aussi enchanté par le monde des prêtres, de l’encens, et de la théâtralité des offices. Et puis j’ai pensé à un film de Peter Greenaway, mais cette foisci, je jouais le diable…Et j’ai pensé à toutes les conquêtes, les guerres, les mensonges, les fausses morales créées au nom de Dieu. »
  • Sa présence, tout au long des scènes, sa présence centrale, parce qu’il parle de nous en parlant de lui, parce qu’il met en scène les émotions comme personne, parce que nous l’accompagnons aussi dans ses douleurs, ses recherches de vérité, ses interrogations d’artiste. Il monte sur scène, en redescend, chante, danse, crie, trébuche, pars emmenant Bobo dans ses pas, s’adresse au public, malhabile parfois, mais si touchant, si profondément humain.
  • La musique, les musiques choisies qui contribuent à donner le ton, parfois en synergie (chants liturgiques ou musique sacrée, Schumann, chœurs, et, au final, le Don Giovanni de Mozart), parfois aussi en rupture totale (musiques rock, musiques d’ascenseurs, de boites de nuit, les Rolling Stones, Jesus Christ Superstar..)
  • La scénographie : au fond un grand mur clouté, qui définit l’espace, avançant ou reculant au gré des séquences. Sur ce mur, on cloue Jésus, et on jette la première pierre à la femme adultère…ou pas. On ne s’en échappe pas, malgré les lumières, les vertiges et les illusions de la scène. Ce mur est une vérité en soi, on peut s’y taper la tête, le mur cadenasse l’espace. Devant lui, tout peut se passer : une ronde de diablotins ensorcelés, la cène, une scène d'orgie, des images vidéos, une colonie de rats en ombres chinoises, etc..
  • Les costumes : travestissements incroyables en diables, en évêques, cardinaux, hippys, personnages porteurs d’espoirs, au fin fond de leur misère, ou bouffons, ou vivants à demi morts.
  • Et bien sûr, les acteurs, choisis surtout pour la force évocatrice qui émane d’eux, comme Bobo, qui a passé 45 ans dans un asile de fous parce qu’il est microcéphale et mutique, mais que Pippo emmène partout avec lui depuis 20 ans parce que sa présence scénique est d’une intensité rare. Ou comme cet acteur dramatiquement maigre, ou encore comme son acteur trisomique qu’il transforme souvent en bébé Cadum.

Mais il me faut aussi dire quel est le sens de cet Evangile.

Il me semble que Pippo Delbono, qui est devenu bouddhiste, cherche les figures du Christ, et les messages qui pourraient être conservés comme révolutionnaires, encore aujourd’hui, partout, autour de nous.

Et bien sûr, les visages du Christ sont ici, dans le monde actuel : parmi les personnes rejetées, bafouées, parmi celles qui sont en prison, à l’hôpital, parmi les exilés, les réfugiés, les sans terre, parmi ceux qui souffrent. D’où bien sûr aussi les paroles du Christ (Mathieu) sur les béatitudes.

« Heureux les pauvres en esprit,
car le Royaume des Cieux est à eux.
Heureux les doux,
car ils recevront la terre en héritage. »

Il faut y penser  quand on voit Bobo, tout petit, comme un lutin malgré ses 80 ans, trottiner aux côtés de Pippo, Bobo, l’éclopé, le rejeté de la vie et pourtant celui dont le destin a spectaculairement basculé de l’ombre à la grande lumière…

Le texte est plein de référence : Pasolini, Saint Augustin, Led Zeppelin et beaucoup d’autres, trop peut-être ?

« Nous sommes comme des voyageurs qui cherchons à comprendre, sans y parvenir » dit Pippo Delbono… Parmi toutes ces souffrances, parmi ces déplacés, ces vagabonds, ces prisonniers, n’a-t-on pas l’expérience du Christ à vivre nous aussi ?

 

Durant un peu moins de deux heures, Pippo Delbono cherche à dessiner la figure d’un Christ qui parlerait «de liberté, d’amour, de joie, de légèreté, de musique…», loin de la morale et des dogmes catholiques.

Et on va de la Cène (au début, les personnages richement habillés s'installent autour d'une table en silence), aux paroles de Jésus, puis, à la toute fin on parvient à la nativité représentée par l'acteur trisomique installé dans sa barboteuse et son lit cage, au milieu de l'espace...

Je cite le texte de Pippo Delbono:

« La compassion, c’est de plonger très profond, dans les zones les plus obscures, les plus noires. Et quand tu toucheras le fond, alors tu aideras quelqu’un, tu remonteras avec lui… ».

Vangelo (théâtre du Rond-point, mise en scène Pippo Delbono)
Vangelo (théâtre du Rond-point, mise en scène Pippo Delbono)
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C
Ta critique est belle, mais l'image du spectacle me fait flipper !!!!
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