« La religion est une demande d’âme dans un monde sans âme » a dit Marx.
La mère de Pippo Delbono, lui avait instamment demandé, avant de mourir, de faire un spectacle sur l’évangile, pour donner au moins un message d’amour. Pippo Delbono, dans un précédent spectacle montrait même l’agonie de sa mère qui, au dernier souffle de sa vie, avait encore la force de réciter par cœur les mots de Saint Augustin, scène terriblement puissante, message chuchoté avec une force inouie, un moment que je n’oublierai jamais.
Et cette nouvelle pièce de l’enfant terrible du théâtre contemporain est justement intitulée « Evangile ».
Le théâtre de Pippo Delbono est issu de son apprentissage avec Pina Bausch, l’immense danseuse de Wuppertal, qui a révolutionné la conception de la danse, par la scénographie utilisée et par l’ « utilisation » du corps des danseurs dans leur expressivité et leur capacité à transmettre des émotions.
On retrouve donc dans cette pièce quelques caractéristiques des spectacles de Pippo Delbono :
Mais il me faut aussi dire quel est le sens de cet Evangile.
Il me semble que Pippo Delbono, qui est devenu bouddhiste, cherche les figures du Christ, et les messages qui pourraient être conservés comme révolutionnaires, encore aujourd’hui, partout, autour de nous.
Et bien sûr, les visages du Christ sont ici, dans le monde actuel : parmi les personnes rejetées, bafouées, parmi celles qui sont en prison, à l’hôpital, parmi les exilés, les réfugiés, les sans terre, parmi ceux qui souffrent. D’où bien sûr aussi les paroles du Christ (Mathieu) sur les béatitudes.
« Heureux les pauvres en esprit,
car le Royaume des Cieux est à eux.
Heureux les doux,
car ils recevront la terre en héritage. »
Il faut y penser quand on voit Bobo, tout petit, comme un lutin malgré ses 80 ans, trottiner aux côtés de Pippo, Bobo, l’éclopé, le rejeté de la vie et pourtant celui dont le destin a spectaculairement basculé de l’ombre à la grande lumière…
Le texte est plein de référence : Pasolini, Saint Augustin, Led Zeppelin et beaucoup d’autres, trop peut-être ?
« Nous sommes comme des voyageurs qui cherchons à comprendre, sans y parvenir » dit Pippo Delbono… Parmi toutes ces souffrances, parmi ces déplacés, ces vagabonds, ces prisonniers, n’a-t-on pas l’expérience du Christ à vivre nous aussi ?
Durant un peu moins de deux heures, Pippo Delbono cherche à dessiner la figure d’un Christ qui parlerait «de liberté, d’amour, de joie, de légèreté, de musique…», loin de la morale et des dogmes catholiques.
Et on va de la Cène (au début, les personnages richement habillés s'installent autour d'une table en silence), aux paroles de Jésus, puis, à la toute fin on parvient à la nativité représentée par l'acteur trisomique installé dans sa barboteuse et son lit cage, au milieu de l'espace...
Je cite le texte de Pippo Delbono:
« La compassion, c’est de plonger très profond, dans les zones les plus obscures, les plus noires. Et quand tu toucheras le fond, alors tu aideras quelqu’un, tu remonteras avec lui… ».