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Une chambre en Inde (création collective Ariane Mnouchkine, théâtre du soleil)

Une chambre en Inde (création collective Ariane Mnouchkine, théâtre du soleil)

Samedi dernier, 26 novembre 2016

Pas la peine de préciser que la salle était comble, c’est le théâtre du soleil, c’est Ariane Mnouchkine, c’est sa dernière création et c’est mythique.

Ariane était là, comme d’habitude, à l’entrée des billets, en général c’est elle qui nous déchire nos contre marques.

Toute la salle avait été refaite aux couleurs de l’Inde : des tas de citations sur les murs en anglais et en sanscrit, des dessins d’éléphants, des guirlandes électriques de toutes les couleurs…Comme d’habitude, on entre dans une atmosphère, c’est le théâtre total d’Ariane Mnouchkine.

Et ça sent le gingembre, les épices, on soupe à l’indienne si on le souhaite, on boit un jus d’hibiscus.

La pièce ?

Elle dure 4 heures, et elle est parlée, chantée, criée en français, anglais, tamoul, japonais….

Le décor ? Une chambre comme il en existe dans nos mémoires imaginaires : persiennes filtrantes, faux jour, meubles marquetés, tapis, tables basses, bouteilles de Saphir Bombay…On y est ?

Il y manque la musique, les danses, les costumes de cérémonie du Kerala (Inde du Sud) . Ariane a retenu la forme la plus « populaire » (au sens théâtre de rue, de village, sans grands moyens)  le Theru Koothu.

On vénère Ganesh avant la représentation, et on interprète des histoires de filles déshonorées, de garçons guerriers, de dieux en colère, avec force chansons et bouffonneries. On introduit les personnages derrière un rideau tenu à la main.

Alors que veut on nous dire et quels sont les messages de cette grande engagée d’Ariane Mnouchkine ?

« Nous étions comme des réfugiés de l’Histoire. Autour de notre chambre les Temps étaient déchaînés. Nous nous demandions ce qui nous arrivait, nous les gens les plus divers, mais unis par le même souci, nous nous demandions comment nommer Ça, ce chaos. (L’air était bouillant.) À travers les portes-fenêtres on entendait les bruits de l’Inde, cette manif perpétuelle. Il ne dort donc jamais, ce continent ? »
Nous voulions la Vie, comprendre ses Violences folles.
 » Hélène Cixous

La trame ?

Le metteur en scène s’est barré pendant que la troupe était en repos en Inde. Il laisse un message à son assistante pour qu’elle se débrouille seule. Elle doit donc trouver un sujet (un scénar) pour que le représentant du ministère de la Culture (qui a donné sa parole en échange de 17 534 euros) puisse faire valoir que les fonds ont bien été employés à construire un spectacle.

Le metteur en scène a commis un sacrilège en partant : il s’est assis à califourchon , nu, sur la statue de Gandhi et il est recherché par la police indienne.

Mais nous sommes juste après les attentats du 13 novembre 2015 à Paris, et il faut bien faire face au « sens » de l’histoire, et donc à la nécessité ou non du théâtre dans nos vies, aujourd’hui que les monstres ont trouvé le chemin de nos peurs.

Le spectacle semble très désordonné, les scènes s’enchainent au gré des rêves de cette pauvre assistante qui ne peut pas créer une pièce comme ça.

Tout s’emmêle, chansons et costumes, personnages, cris, violences, danses, mais on s’y retrouve malgré tout, comme miraculeusement.

Il y a des scènes exceptionnelles de drôlerie comme celle où, parce qu’il faut "se moquer" des méchants, Ariane convoque des terroristes de Daech, avec des ceintures d’explosifs, qui montent à l’attaque d’une boite fichée du drapeau américain. Avant de partir le premier s’assure du nombre de vierges, et commence à tergiverser : « Ah, non, pas 72, moi à moins de 75 vierges, je n’y vais pas… ».

Il y a aussi une scène où l’EI tourne sur fond de toile de désert rouge avec drapeau noir volant au vent, un homme qui se trompe tout le temps de texte. Il doit par exemple dire que tout rapport sexuel avant mariage est proscrit, et il dit prescrit….

Pendant ce temps, une femme voilée de la tête aux pieds en noir mais avec des gants blancs fait la traduction en langage des signes fantaisistes et …obscène, c’est hilarant.

Et j’ai bien aimé l’épisode où une jeune fille se plaint auprès de sa mère d’avoir eu une enfance tellement heureuse (pas de divorce, pas de haine, pas de harcèlement scolaire, pas d’échecs, que du bonheur), et elle lui dit qu’avec tout ce bonheur elle ne sait pas quoi faire. L’instant d’après elle a revêtu une burka qui lui cache tout le corps et le visage et sa mère lui demande : « Mais pourquoi tu mets ça ? », elle répond : « Je ne sais pas ».

Mais on y voit aussi Tchekov, Shakespeare, Gandhi, des représentations des différents dieux indiens, Confucius...enfin toute une panoplie des grands sages ou des grands auteurs de théâtre qui peuplent les rêves de la metteure en scène.

Et enfin, Ariane fait dire à un terroriste grimé comme les combattants de l’EI, un discours de paix et d’amour, un discours à la Chaplin, c’est génial !

Courez voir cette pièce, c’est léger, drôle, « habité », et on est dépaysé, ce qui ne gâte rien par les temps qui courent.

Une chambre en Inde (création collective Ariane Mnouchkine, théâtre du soleil)
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