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L'innocence ( Film Japon 2023)

L'innocence ( Film Japon  2023)

Dans la salle, certains ont trouvé que le film était trop compliqué et donc difficile à comprendre. Mais pour un film japonais, qui plus est d’un immense réalisateur qui a plusieurs fois, au cours de ses œuvres, parlé de l’enfance, j’ai surtout pensé que la construction du film était si habile, on peut même dire si sophistiquée, qu’elle pouvait effectivement perdre certains spectateurs peu attentifs.

Cela n’en reste pas moins une histoire profonde et sensible, a contrario des prises de position actuelles sur le harcèlement scolaire. La construction semble compliquée parce que l’on passe sans crier gare (donc sans qu’il soit besoin d’en faire un encart explicatif) du point de vue de la maman à celui du professeur puis à celui des enfants. Mais franchement, c'est tout à fait lisible et on comprend parce qu’on revoit les mêmes scènes, mais situées dans un contexte différent, donc adoptant un point de vue différent.

L’histoire est celle de deux enfants dans une classe équivalent au CM2, les enfants ont donc 9/10 ans. On commence par l’un d’entre eux, qui semble présenter de graves troubles du comportement et même des blessures physiques. Cet enfant vit avec sa mère qui est veuve et travaille dans une laverie. Il n’est pas bien intégré parmi les autres élèves de sa classe, qui se moquent de lui peut-être parce qu’il est justement différent, mais l’enfant ne les met pas en cause et accuse plutôt son instituteur de harcèlement. C’est grave, car il paraîtrait que cet instituteur, nouvellement arrivé dans l’école, soit allé jusqu’à frapper son élève. La maman s’inquiète à juste titre et décide d’aller demander des explications à l’école. S'ensuit une scène très japonaise, où toute l’équipe éducative s’incline profondément en demandant pardon, mais sans avouer toutefois les faits incriminés.

Il y a quelque chose de gênant, d’inconfortable dans cette situation que nous comprenons mal. Nous sentons, nous spectateurs, qu’on nous cache des éléments, qu’il y a anguille sous roche, que l’histoire est bancale. Mais on ne peut pas dire quoi au juste. L’interrogation porte sur l’explication : cet enfant a-t-il tout inventé ? Est-il fou ? Autiste ? Schizophrène ? Ou alors quelles sont les motivations de l’instituteur pour s’en prendre à cet élève ?

Puis, on suit le point de vue de l’instituteur. Les choses ne sont pas aussi simples, on s’en doutait. À travers le point de vue de l’enseignant, il semblerait que l’enfant présente des troubles du comportement inexpliqués que justement l’instituteur tente d’endiguer. Cet homme apparait de plus en plus comme la victime d’une accusation sans fondement. Mais là non plus, rien n’est sûr. L’enseignant est-il sincère ou doit-il faire face à une cabale visant à le discréditer ?

Dès le début du film, nous assistons à des incendies spectaculaires dans la ville japonaise où se trouve située l’école. On se demande qui peut bien allumer ces feux. Un autre enfant se promène constamment avec un allume-gaz…on s’interroge, serait-ce ce gosse qui s’amuserait à mettre le feu partout ? Mais pourquoi ? Ce deuxième enfant n’a qu’un père pour s’occuper de lui, mais ce père est totalement défaillant. Il est ivre en permanence et suggère que son fils a une cervelle de cochon sous son crâne. Tout va de travers, les mauvaises langues du coin suggèrent que le nouvel instituteur fréquente des prostituées, ce qui se révèle complètement faux.

Non je ne lèverai pas le mystère et n’utiliserai cette chronique pour endommager le suspens.

Je veux simplement souligner que la parole des enfants ne devrait jamais être prise d’emblée pour argent comptant. Le mensonge existe, même pour les enfants. L’innocence n’est pas une preuve de vérité. Par innocence, on peut en arriver à masquer des faits, à les travestir, parce que le monde de l’enfance connait d’autres tabous, d’autres façons de se défendre que celui des adultes. Cela ne signifie pas non plus qu’il faille ignorer les dires d’un enfant, simplement, il serait bien d’en parler davantage avant de se lancer dans des interprétations rapides.

Un très beau film, dérangeant certes, mais intelligent et d’une grande poésie.

Réalisaeur : Hirokazu Kore-eda
Acteurs : Sakura Andô, Eita Nagayama, Soya Kurokawa
Pays : Japon
Durée :  2h06

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R
Pour rebondir sur la conclusion du pitch je crois (en fait je suis même quasiment certain) qu'il y a des psychologues spécialisés qui arrivent à "décrypter" la paroles des enfants pour justement éviter les interprétations rapides dans un sens ou dans l'autre
Répondre
C
merci pour tes commentaires avisés