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Fermer les yeux (film Espagne 2023)

Fermer les yeux (film Espagne 2023)

Attention chef-d'œuvre ! Mais chef-d'œuvre réservé à ceux qui se détournent du cinéma commercial et qui vénèrent la profondeur de champ d’un cinéaste intelligent autant que rare. Car ce film, un pur acte artistique, dure près de 3 heures et il est, la plupart du temps, plongé dans des clairs-obscurs magnifiquement filmés.

Adeptes du grand spectacle, passez votre chemin. Ce cinéma-là, c’est du vrai, du pur, un diamant taillé, une symphonie, et un hommage au 7ème art comme on en voit peu.

Le réalisateur, un des plus grands réalisateurs espagnols, Victor Erice, n’a produit que 4 films dans sa vie et le dernier remonte à une dizaine d’années en arrière. Il a eu le temps d’y réfléchir et de mûrir le scenario. Et c’est peut-être le seul bémol que j’apporterais : le film est vraiment long ! Certes, quoique le rythme soit lent, on ne s’y ennuie pas, mais parfois, surtout après le dénouement, on se demande ce que certaines scènes sont venues y faire. Je pense que les scènes qui m’ont semblé inutiles devaient renvoyer à d’autres références cinématographiques et que c’est la raison pour laquelle elles ont été insérées sans qu’elles contribuent, du moins en apparence, à la trame de l’histoire. Je ne suis pas assez calée en cinéma pour avoir retrouvé lesdites références, qui parleront davantage, sans aucun doute, à un cinéphile averti.

Le pitch du film :

Un cinéaste tourne un film et son acteur principal disparait quasiment à la fin du tournage. On ne retrouve jamais son corps et il est donc porté disparu, quand, 20 ans plus tard, une émission de TV, de type « Perdu de vue », consacre un épisode à cet acteur en demandant au cinéaste de venir témoigner du film qu’il tournait alors. Nous suivons ensuite la vie de ce cinéaste, et sa recherche de l’acteur disparu.

Ce film, dans son scenario, est déjà plein d’emboitements, de jeux de miroirs, de mises en abyme. Car le film dans lequel jouait l’acteur qui va ensuite disparaitre, parlait d’une autre disparition et d’une autre recherche. Je crois qu’il faisait référence à un vieux film américain des années 30, la fille de Shanghai, mais je ne m’y connais pas assez pour en parler. Ce qu’il y a de sûr, c'est qu’il s’agit d’un clin d’œil à un autre film.

On suit l’histoire de la disparition et la recherche du disparu comme on suit un mystère, la résolution d’une énigme, il y a le même suspens, la même curiosité accrocheuse, la même attente.

Le réalisateur, parlant de son film, explique que « la fiction que le film va proposer au spectateur tourne autour de deux sujets intimement liés : l’identité et la mémoire. »

De fait, l’acteur disparu, que l’on retrouve peut-être, a perdu la mémoire et ne reconnait personne. Alors que le réalisateur, lui, vit au milieu des souvenirs, de son passé, au cœur de la nostalgie. La question est posée dans le film et c’est un psychiatre qui y répond : l’identité repose-t-elle uniquement sur la mémoire ? Faut-il identifier quelqu’un sur l’épaisseur de ses souvenirs, sur la présence ou non des témoins de son passé ? Est-ce que l’émotion ne pourrait pas être aussi constitutive de l’identité ? L’émotion n’est-elle pas, elle aussi, un moyen de communication profond entre les hommes ? Par quoi passe-t-elle ? Comment transmettre ce qui relève de la sensibilité individuelle et qui est, par nature, personnelle et quasiment non communicable d’une personne à une autre ?

"Fermer les yeux" est indispensable pour ressentir, l'essentiel ne se voyant pas avec les yeux....

Ce qui m’a frappée dans ce film, c’est que toutes les réponses se trouvent évoquées de manière subtile et non dogmatique. L’art sous toutes ses formes, musique, chant, littérature, poésie, peinture, dessin, et bien entendu cinéma apparait à chaque fois comme vecteur de communication profonde entre les hommes. C’est une chanson, chantée mécaniquement sans faire appel à la mémoire, que l’autre complète et qui sert de mot de passe. Ce sont les nœuds de marins que l’on fait sans y penser parce qu’on possède bien la technique et qui révèle le passé enfoui dans l’oubli du temps. Ce sont des photos, des croquis, des ambiances qui ramènent des sensations, que l’on tente de saisir et qui s’effacent. Et c’est naturellement le cinéma qui rassemble tout ce qui est épars dans une intensité fantastique.

Un ami m’a fait remarquer combien dans ce film, la présence des femmes était singulière. Alors que les hommes sont isolés, fracturés, fragmentés, les femmes, filles, anciennes amantes, mères en devenir, sont toutes des personnages qui assurent des liens, font des ponts, connectent, rattachent, réunissent le passé, le présent et le futur, les hommes entre eux, les espaces. Et c’est vraiment très évident dans ce film. Les femmes sont centrales parce qu’elles ont le pouvoir de donner du sens, de la continuité et qu’elles apportent la fluidité dans des ilots de solitude.  

J’ai adoré ce film.

Réalisateur : VICTOR ERICE Acteurs : MANOLO SOLO JOSE CORONADO ANA TORRENT

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S
Ci auguriamo approssimativamente, ma abbiamo sicuramente paura.
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