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Sur les traces d'Oghyanouss d' Afsaneh Reza-Miller (Ed : auto édition 2016)

Sur les traces d'Oghyanouss  d' Afsaneh Reza-Miller (Ed : auto édition 2016)

Je chronique très rarement des auteurs rencontrés sur Facebook, essentiellement parce que la littérature qui y est ainsi promue n’entre généralement pas dans mes champs de lecture habituels. Il y a, sur les réseaux, beaucoup de romances et de la science-fiction et j’ai une telle PAL que je n’ai pas le temps de lire ce qui me branche le moins.

J’ai fait une exception ici parce qu’il s’agit d’un roman iranien et que ma curiosité m’entraine très souvent vers la littérature étrangère, américaine, il est vrai, - à cause de l’abondance- mais aussi beaucoup des pays d’Europe de l’Est ou des pays encore plus difficiles comme justement l’Iran.

L’autrice ne m’est pas connue, je comprends qu’elle est née à Téhéran avant le régime des Mollahs et qu’elle a fait des études de langues, notamment en apprenant le français, et qu’elle est donc venue en France suite à la Révolution Iranienne, donc, à mon avis, dans les années 80. Elle édite à compte d’auteur et se consacre à l’écriture à plein temps. Ce roman est le 1er qu’elle a écrit, en 2015, mais elle dit qu’elle l’a conçu longtemps auparavant. Afsaneh n’écrit pas en persan, sa langue natale, mais en français et c’est assez remarquable, parce que son style est à la fois clair et littéraire. Je pense que le français est devenu sa langue seconde, et que, comme beaucoup de locuteurs qui ont appris une langue étrangère et la manient bien, elle en use avec justesse et parfois mieux que bien des Français d’origine.

Son roman, je l’ai dit, parle de l’Iran, enfin un Iran avant la République Islamique, un Iran aujourd’hui disparu. Mais nulle nostalgie dans ses évocations. Il s’agit d’un personnage, Oghyanouss, dont nous voyons la vie se dérouler, à l’ombre des carcans de la tradition.

La jeune fille, enfant déjà, manifestait un tel caractère, face aux diktats de sa mère et de sa grande tante, qu’on l’appelait « la folle ». Il faut dire que les deux femmes étaient liguées dans une conception de l’éducation et de la vie complètement rigide, assujetties qu’elles étaient à la religion chiite la plus intransigeante, la moins libérale possible. Foin des clichés sur le patriarcat, le père, converti par amour pour sa jolie femme, venait du zoroastrisme, et se laissait totalement dominer par les deux harpies.  Lesquelles entendaient bien mater la petite fille en lui enseignant les principes et pratiques de la religion. Or Oghyanouss était une créative, une rebelle, une fille née pour l’indépendance et l’imagination, pour l’originalité, le non-conformisme, donc pour la liberté. Impossible de faire d’elle, l’épouse soumise d’un mari polygame.  Ce que les femmes avaient pourtant décidé pour elle. Pour résister, Oghyanouss avait trouvé un moyen : hurler très fort, longtemps, pousser des rugissements de bête, impressionner par des manifestations physiques extrêmes comme le vomissement, ou bien menacer, plus tard, avec un grand couteau.

C’est comme cela qu’elle acquiert la réputation de cinglée, possédée du démon, irrécupérable désaxée. Et, quoiqu’elle ne puisse pas réellement s’opposer à un mariage funeste, elle va réussir à éviter, toujours par les mêmes moyens qui semblent hystériques, à résister au sort qu’on lui réserve et à vivre sa passion pour la peinture sans être perturbée.

Le personnage est attachant quoique toujours inquiétant, c’est un peu l’ « Amie Prodigieuse » Iranienne, dont on respecte l’intelligence et qu’on redoute pour ses accès de violence. Il y a deux périodes dans le livre, à distance d’une quarantaine d’années dans la fiction. Et deux lieux, l’un dans la campagne profonde iranienne, l’autre dans la capitale, Téhéran. J'ai bien aimé le suspens troublant, initié dès les premières pages, et dont on comprendra le sens à la fin du roman. Ce suspens est d’ailleurs assez emblématique du sort que l’Iran connaitra à la suite de l’arrivée des Mollahs, où toute créativité sera bannie et où la mort envahira tout le champ.

J'ai lu quelque part qu'entre la vie et la mort, entre le ciel et l'enfer, entre la soumission et la désobéissance, les femmes choisissent toujours la LIBERTÉ. Ce roman en est l'illustration.

 

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