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Un héros (Film Iran 2021)

Un héros (Film Iran 2021)

Quoique très connu (couvert de prix et de reconnaissances internationales) et libre de présenter son film au Festival De Cannes 2021, Asghar Farhadi a tout de même reçu l’autorisation de son gouvernement, ce qui suppose que ses films passent une censure de plus en plus pointilleuse et sont donc normalement évalués comme conformes aux dogmes iraniens.

De fait, le réalisateur vit en Iran, tourne et diffuse ses films, ne semble pas sous le coup de mesures d’interdiction strictes, car il a choisi depuis longtemps de composer avec le régime des Mollahs, et de ne pas formuler de critiques frontales, de telle sorte qu’il a pu, parfois, être même taxé de soutien au Gouvernement.

Néanmoins, il fait l’objet actuellement de telles menaces, brimades et attaques en tous genres de la part des plus intransigeants partisans du Régime, qu’il commence à s’impatienter et à vouloir sortir d’un silence qu’il avait jugé nécessaire auparavant à sa (relative) liberté.

Pour moi, ce film est l’exemple parfait d’une œuvre écrite sous censure, au même titre que les œuvres des grands dissidents de l’URSS autrefois. Rien n’est dit, mais tout apparait. Rien n’est attaquable, mais tout dénonce. Rien n’est évident, mais tout est allusif.

L’histoire ?

Il s’agit d’un homme qui a obtenu une permission de 2 jours, car il est emprisonné pour dettes. Son ex-beau-frère lui a prêté des sommes assez importantes qu’il a été incapable de rembourser. Au passage, je note que ce genre de sanction (qui existait dans nos sociétés autrefois), est parfaitement inefficace et relève de la vengeance exercée par un créancier, qui, s’il est bien légitime à demander son remboursement, en profite ainsi pour assouvir son ressentiment.

Au début, on a tendance à trouver que « le héros » est bien sympathique et que l’ex-beau-frère créancier a des motivations qui excèdent le simple remboursement de sa dette. D’autant que sa sœur (l’ex-femme du héros) semble bien avoir abandonné le foyer du prisonnier pour convoler en autres noces.   Le créancier exige des garanties impossibles à donner : des chèques, une somme immédiate etc…

Le « héros » a, lui aussi, une amoureuse, qui a miraculeusement trouvé des pièces d’or dans un sac abandonné dans la rue. C’est l’occasion d’une série de mensonges qui entraineront le « héros » dans une notoriété qu’il aurait mieux fait de ne pas rechercher. À partir de là, on s’interroge pendant une partie du film sur la probité du « héros » qui apparait soit comme un benêt, soit comme un escroc génial, au gré des rebondissements de l’action. L’enquête sur la "vérité" est menée par un « inspecteur des mœurs », qui a le statut de commissaire politique finalement…En Iran, le projet social est de veiller à ce que chacun se conforme aux mœurs coraniques : pas d’usure, pas de mensonge, pas de dérives « morales ». Mais c’est bien tout relatif tant est grande la corruption, tant est inhumaine la justice et tant est dogmatique la nécessité que tout soit en apparence ordonné.

En fait, le « héros » va servir, par des démonstrations d’incroyable modestie et d’humilité, de révélateur à une société du mensonge et de la tromperie généralisées. Tout le monde s’observe, se dénonce, se trahit de telle sorte que notre héros, empêtré dans les contradictions, se prendra, si j’ose dire, les pieds dans le tapis (persan bien sûr).

Comme dans l’excellent film "Une Séparation" (2011), personne n’a tout à fait tort ni entièrement raison. C’est une caractéristique ce réalisateur qui met souvent en lumière la relativité de la morale. (Ça ne doit pas bien plaire aux Ayatollahs).

Je note une scène quasiment insoutenable : il est demandé au fils du « héros » de témoigner de ce qu’il a vu. C’est un enfant, qui est handicapé par un bégaiement grave que les questions du journaliste, rendent encore plus incapacitant. Le journaliste, comme tous les hommes de média cherche le sensationnalisme de l’émotion, et va s’acharner sur ce pauvre gosse qui est comme dans une chambre de torture. C’était limite du supportable pour moi. Et je remarque, (comme je l’avais déjà vu dans le Film Iranien de Behtash Sanaeeha et Maryam Moghaddam le Pardon, ) que les seuls qui possèdent une sorte de légitimité sont des enfants qui ne peuvent pas parler. La petite fille du film « Le Pardon » était sourde et muette, le fils du « héros » est  bègue. Quelle symbolique !

L’action se déroule non loin de Chiraz, et la petite ville accrochée à la montagne et qui sert de décor au film, est encombrée de boutiques aux yeux multiples, qui laisse peu de place pour se cacher.  

Le film dure 2 heures, mais je ne me suis pas ennuyée une minute.

Extrait d’entretien avec le réalisateur ( Le Monde 15/12/2021): Quand j’étudiais le théâtre, à l’université de Téhéran, j’ai vu une mise en scène remarquable de La Vie de Galilée, de Bertolt Brecht, par d’autres étudiants, et j’ai été marqué par cette réplique : « Malheureux le pays qui a besoin de héros. »

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B
de héros.
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C
si è vero, grazi
A
grande e probabile, qualcosa che succede nei film.