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La panthère des neiges (film France 2021)

La panthère des neiges (film France 2021)

C’est un film et c’est un livre, c’est bien plus que des images, c’est une réflexion sur nous-mêmes, sur notre destinée, sur nos origines.

Des films animaliers, on en a vu plein et certains étaient splendides.

Mais celui-là ajoute à la somptuosité des images (le travail incomparable de Vincent Munier ! ), les considérations philosophiques et les réflexions intimes de Sylvain Tesson dont la plume est aussi ciselée qu’un diamant.

C’est pourquoi il se dégage de ce reportage, une intensité hors normes, faite d’émotions retenues et de tensions incandescentes.

Pas de préchi-précha, pas de discours sur le changement climatique ou ce qu’il faudrait faire pour préserver la nature que nous nous sommes acharnés à détruire jusqu’à présent sans que cela nous touche vraiment. Non, pas de morale à deux sous ou de sempiternelles accusations générales qui n’ont jamais porté leurs fruits.

Sylvain Tesson est un grand blessé de la vie (et pas uniquement à cause de son accident curieusement survenu en France et en lieu sûr alors qu’il a passé son temps à galoper dans des zones tellement dangereuses !) , mais justement, il sait très bien aujourd’hui ce qui est essentiel. Et c’est un retour sur lui-même qu’il effectue, un retour sur ses expéditions passées, à grandes enjambées, plus soucieux qu’il était de découvrir les autres hommes et leurs paysages que de rester à l’affût des bêtes sauvages. Un retour sur lui-même qui n'est pas non plus une méditation narcissique. Un retour sur les valeurs fondamentales de l'humanité, sur ce qui fait notre terre: la vie sauvage, la liberté, l'autonomie, l'adaptation au territoire, l'adéquation aux ressources. Et la recherche de la BEAUTE, principale raison, à mon avis, d'être vivant.

L’origine de ce voyage (qui n’a pas dû être facile à organiser) c’est la quête de Vincent Munier pour des images des dernières panthères de la planète et plus particulièrement pour la rarissime panthère des neiges qui vit à 5000 mètres d’altitude dans les montagnes chinoises du Tibet.

Sachant qu’il ne reste que quelques exemplaires de cet animal, qui passe, par ailleurs, le plus clair de sa vie à dormir (comme les chats !) , il faut s’armer d’une patience absolue pour rester à l’affût dans le froid glacial, la neige et le vent.

Vincent Munier a fait de l’affût un art, une esthétique que Sylvain Tesson apprend à son contact.

Je vais laisser, à l’appui des images, les commentaires les plus percutants de Sylvain Tesson, dans son livre La Panthère des Neiges paru en 2019. Le voyage s'est déroulé dans des temps aujourd'hui engloutis, avant la pandémie, en 2018.

« Panthère », le nom tintait comme une parure. Rien ne garantissait d’en rencontrer une. L’affût est un pari : on part vers les bêtes, on risque l’échec.

Je tenais l’immobilité pour une répétition générale de la mort.

Le principe du guet est d’endurer l’inconfort dans l’espoir qu’une rencontre en légitime l’acceptation.

La plupart de mes semblables, et moi le premier, voulaient le contraire : nous montrer. Aucune chance pour nous d’approcher une bête.

On se tient aux aguets, l’espace ne défile plus. Le temps impose ses nuances, par touches. Une bête vient. C’est l’apparition. Il était utile d’espérer.

Le soleil transmutait la poussière en sillage d’or qui retombait en filet rouge. Les pelages vibraient dans la lumière, donnant l’illusion d’une vapeur. Munier, adorateur du soleil, se débrouillait toujours pour se poster dans les contre-jours. C’était un paysage de désert minéral que des mouvements magmatiques auraient hissé au ciel

Les yacks sont des totems de la vie sauvage envoyés par la préhistoire.

Les grottes avaient constitué la géographie matricielle de l’humanité dans ses lamentables débuts.

Thermomètre à – 20 °C. Nous autres, les hommes, étions condamnés à ne faire que passer en ces endroits. La majeure partie de la surface de la Terre n’était pas ouverte à notre race.

Un chat de Pallas, Otocolobus manul, surgit sur un piton au-dessus de la piste, avec sa tête hirsute, ses canines-seringues et ses yeux jaunes corrigeant d’un éclat démoniaque sa gentillesse de peluche.

Le monde était un coffre de bijoux. Les joyaux demeuraient rares, l’homme ayant fait main basse sur le trésor. Parfois, on tenait encore un brillant devant soi. Alors la Terre étincelait d’un éclat. Le cœur battait plus vite, l’esprit s’enrichissait d’une vision.

Et encore , relevé de mémoire  dans le film et non dans le livre :

Un être vous obsède et le monde entier prend sa forme.

L’animal est une porte, un judas. Derrière la porte, l’incommunicable.

 

Quoique l’affût soit un vrai exercice spirituel, ce qui pourrait rebuter les adeptes d’action, on ne s’ennuie jamais dans ce film captivant et l’émotion y est très présente, à travers les images soutenues par les mots de Tesson.  Un beau cadeau à se faire par ces temps incertains.

Belle année! Il n'y a que la beauté qui compte!

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C
Les personnes qui disent ne pas se soucier de ce que les autres pensent d'elles s'efforcent en fait de faire croire aux autres qu'elles ne se soucient pas de ce que les autres pensent d'elles !
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