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Le Pardon (film Iran 2021)

Le Pardon (film Iran 2021)

C’est un film grave et puissant que les réalisateurs Behtash Sanaeeha et Maryam Moghaddam (également actrice principale du film) nous livrent là.

L’histoire est la suivante :

Mina, une simple ouvrière dans une usine de conditionnement du lait, voit sa vie bouleversée quand son mari est accusé par deux témoins (la règle selon la charia islamique) d’avoir assassiné son débiteur. Peu après, il est exécuté, la peine de mort étant plus que jamais en vigueur en Iran. (L’Iran est le 2ᵉ, pays, après la Chine, en termes d’exécutions réellement pratiquées. Remettre en question la loi sur la peine de mort y est formellement interdit, en particulier au cinéma. )

Dans le film, il se trouve qu’après l’exécution, l’un des deux témoins à charge avoue avoir été le meurtrier. Le mari de Mina a donc été victime d’une erreur judiciaire. Mina est, on le comprend, complètement dévastée.

Or, il existe une loi en Iran qui permet de s’excuser (en quelque sorte) d’un crime non intentionnel : il s’agit de demander pardon à la famille de la victime et de verser le « prix du sang ». Dans le cas présent, personne n’a l’intention de demander pardon à Mina et la justice, elle aussi astreinte à la loi du sang,  décide d’attribuer une somme (je ne sais pas ce que cela représente en euros !!!) de plusieurs millions de tomans en guise de « prix du sang » aux héritiers du mari de Mina, dont elle est redevable.

Mais Mina souhaite aller plus loin et demande la réhabilitation de son défunt mari.

Personne ne songe à lui demander pardon sauf un homme, le juge qui a prononcé la peine de mort, qui ne peut pas accepter sa responsabilité et sa culpabilité, bien que tous s'accordent à lui assurer que c'était la "volonté de dieu". Reza voudrait bien obtenir une forme d’absolution de la part de Mina, qui, tout à son sentiment légitime d’injustice, ne peut littéralement pas la lui accorder.

Le film commence avec l’image d’une vache blanche dans une cour de prison, où des prisonniers sont alignés, vache qui fait référence à la sourate Al Baqarah, dont un extrait d’ailleurs commence le long-métrage.

 

Voilà ce que dit cette sourate : Chez les fils d’Israël, un homme a été tué et on n’a pas su par qui. Les juifs se rendent alors chez Moussa, pour lui dire de demander à Allah de leur indiquer le coupable. « Allah vous ordonne d’égorger une vache ».Et ils répondent : « mais est-ce que tu te moques de nous ? Nous te demandons qui a tué cet homme et tu nous dis d’égorger une vache ? Quel est le rapport ? ».

En fait, cette vache servira à réveiller le mort qui désignera le coupable. Mais toute la sourate montre à quel point les juifs sont réticents à se soumettre aux injonctions divines et donc à la connaissance de la « vérité ».

Tout comme dans le film, les vrais responsables refusent de reconnaitre leurs responsabilités et se contentent de verser le prix du sang.

Pour revenir sur ce prix du sang, il s’agit, je le répète, de verser une somme d’argent pour obtenir la rédemption d’un condamné à mort dans le cas de crimes non intentionnels et donc l'exempter de la peine capitale. Comme ce prix est librement fixé par la famille de la victime, la somme peut atteindre des sommets et, de toute façon, reste peu accessible aux gens les moins fortunés, ce qui est parfaitement injuste. En Iran, il y a même une émission de téléréalité qui met en scène les protagonistes d’une affaire judiciaire et organise une sorte de tribunal médiatique parallèle, de très mauvais goût à mon avis.

(Je crois que cette émission a dû être stoppée, car les téléspectateurs réclamaient très facilement l’exécution du coupable et condamnaient le versement du « prix du sang », ce qui n’est guère étonnant, les foules réagissant souvent au plus spectaculaire donc au plus trash).

Le film , interdit en Iran, est, bien sûr, un procès contre la peine de mort. Mais c’est aussi, sans qu’aucune allusion ne soit faite au régime des mollahs, une radiographie d’un pays où tout est bloqué, où il n’existe aucune liberté, où tout le monde surveille tout le monde et où la délation prend le relais des institutions répressives pour contrôler les populations et les asservir.

Le personnage de Mina, qui est en lui-même, métaphorique et subversif, est joué avec beaucoup de retenue et de dignité par l’actrice principale. Elle y est bouleversante. Sa petite fille, la seule qui semble un peu libre dans ce pays étouffant, est handicapée : elle est sourde et muette. Quelle symbolique !

« Au moment du générique de fin, accompagné par le deuxième mouvement du quatuor à cordes « La jeune fille et la mort » de Franz Schubert, on constate que le film est dédicacé à une certaine Mina. En fait, il s’agit de la propre mère de la réalisatrice, le père de Maryam ayant été exécuté pour des motifs politiques. »

Le Pardon film iranien (2021)  de Behtash Sanaeeha et Maryam Moghaddam

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J
motifs politiques.
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F
e nei film di italiani, momenti appassionati ci saranno probabilmente più...