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Architecture (théâtre Les Gémeaux Sceaux)

Architecture (théâtre Les Gémeaux Sceaux)

Voilà bien un exemple qui démontre que ce qui fait la qualité d’un spectacle, ce ne sont ni les moyens, ni les acteurs renommés, ni même le texte (encore que ?) !

Pour ma part, cette pièce est ratée, et ce, malgré des acteurs superbes, des passages à la fois profonds et poétiques, une scène immense, et un grand dramaturge (Pascal Rambert)

Pourtant le sujet semblait intéressant, et avec une telle distribution, comment ne pas espérer un très beau spectacle ? Sur le plateau, des têtes très connues : Jacques Weber, Emmanuelle Béart, Stanislas Nordey, Denis Podalydès, Anne Brochet, Marie-Sophie Ferdane, Arthur Nauzyciel, Laurent Poitrenau Audrey Bonnet.

 …En outre, la pièce était présentée en ouverture d’Avignon 2019.

Le sujet :

Un père de famille (Jacques Weber), architecte de renom, fait régner la terreur dans sa famille. Sa femme est morte des suites d’un cancer du sein (gauche, la place du cœur), et il est complétement convaincu que toute sa progéniture est composée d’imbéciles qui n’arriveront « jamais à rien ». L’un de ses fils est un philosophe qui a le « défaut » d’être inverti, comme on disait à l’époque de Proust. Un autre est un bizarre compositeur de musique atonale, modernité que le vieux père méprise, et ce d’autant plus que ce fils a épousé une dingue, moitié hystérique. Ses filles lui échappent en se mariant pour l’une avec un militaire-musicien sans qualités et pour l’autre avec un journaliste.

Les personnages :

Stan (Stanislas Nordey), le philosophe (Wittgenstein ?) est en opposition frontale avec son père qui l’abreuve d’injures dans une trop longue scène d’exposition initiale., Marie -Sophie (Ferdane), la   jeune épouse du père, qui a l’âge des enfants (c’est donc une union qui apparait un peu incestueuse) est rejetée par la famille. Denis et son épouse Audrey, les compositeurs de musiques contemporaines, sont terrorisés par ce père dominateur. Emmanuelle, (Emmanuelle Béart) est une psychanalyste, frustrée par son époux Arthur, militaire.  Anne (Anne Brochet) éthologue est la plus fidèle au père, son époux Laurent (Poitreneau) est un journaliste un peu fantoche.

L’histoire

Nous sommes en 1911, et nous allons peu à peu traverser l’Europe et les époques, les guerres, la violence, les nationalismes, l’intolérance, les poisons de l’antisémitisme, les atrocités, la fracturation des empires et la souffrance des peuples.

Le projet, d’après Rambert, c’était de créer un memento mori, un tableau rappelant l’inéluctabilité de la mort. « C’est-à-dire qu’on y voit des gens qui ont pensé que ça durerait toute la vie comme ça, que ça serait éternel… Or ce ne l’est pas, c’est le contraire : c’était des gens qui avaient une capacité à influencer le réel et ils n’ont pas réussi, ils se sont collés aux murs de la réalité. »

La mise en scène

Seules les pièces de mobilier et les costumes des acteurs, signalent les changements de période. On passe ainsi d’un mobilier Biedermeier, bourgeois, cossu du XIX ème siècle autrichien à un style BAUHAUS, épuré et fonctionnel, typique années 1930.

La mise en scène est donc minimale et suggère un décor d’intérieur assez élégant. Ceci étant, au fur et à mesure des voyages dans la mittleleuropa (Zagreb, Sarajevo, Budapest, Vienne Skopje et aussi Athènes, Delphes..), on a plutôt l’impression de naviguer, à terre,  sur un grand bateau de croisière et on entend presque les grands fracas de l’histoire européenne du XXème siècle derrière les vitres.

Pour les costumes, on commence avec ces longues robes blanches à dentelles, ceintures larges, pour les femmes, pardessus « beurre frais », pantalons ivoire et souliers noirs pour les hommes, pour en arriver à des vêtements entièrement noirs à la fin, des vêtements (voiles et capes) de deuil.

Nous allons assister à la chute d’une civilisation, traumatisée.

Les bons moments

Avec de tels acteurs, impossible de rater certains morceaux de bravoure. Je retiens notamment le monologue du militaire qui fait l’apologie de la guerre, et qui affirme que les « peuples » ont toujours aimé la guerre parce qu’ils veulent, comme des animaux, défendre des territoires, et qui appuie ainsi à fond sur l’accélérateur du train de l’histoire. Jusqu’au mur, jusqu’au crash.. « Nous allons vers l’attractive catastrophe » dit Nordey dans une scène très belle où il affronte enfin son père devenu muet, et impuissant à émettre de nouvelles imprécations. Il y a aussi un monologue poignant sur les gueules cassées de Marie (Marie-Sophie Ferdane), la jeune épouse de l'architecte.

Les moins :

La pièce est pleine de mots, les gens se parlent entre eux, tout repose sur des dialogues, des entrecroisements de paroles, de cris, de pleurs, d’expressions mal comprises, par les uns ou les autres, des tirades destinées à un acteur ou un autre (sur mesure, ce qui est gênant) et qui embrouillent complètement le propos. 

L’avancée de l’histoire est totalement confuse, les personnages deviennent fous, profèrent des vérités (ou ce qui leur apparaissent comme des vérités) insultantes et parfois très agressives, se tordent en contorsions inutiles, meurent, se relèvent, détaillent leurs états d’âmes sans subtilité.

Et pour finir voilà le point de vue de Pascal Rambert :

« Je ne suis jamais dans une position de surplomb, je n'ai vraiment aucune visée morale. J'essaie de faire vivre le plus possible une dialectique constante : je regarde le réel à travers la vitre, et je tente comme je peux de créer des bulles de dialogue. J'essaie de donner forme à un désarroi, comme le désarroi que nous connaissons actuellement. Je ne vois personne qui émerge en politique, en philosophie, non pas que je cherche un guide, mais des gens qui pourraient nous aider à concevoir un peu mieux la société. Les pères ne sont plus là, et je perçois la fragilité du monde qui me semble capable de s'effondrer. »

Je ne me suis pas ennuyée durant les 3 heures du spectacle mais je n’ai pas vraiment apprécié le côté « bavard » et trop démonstratif de la pièce. Surtout s’il s’agissait de n’avoir aucune visée politique :).

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