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Un éléphant au milieu de la pièce

Un éléphant au milieu de la pièce

Dans ce post, je vais aborder la question qui me hante depuis deux mois: Comment se fait il que personne n’ait cru à une pandémie de coronavirus alors que tous les experts disaient qu’une telle pandémie était inévitable, sans pouvoir simplement prédire quand ?

Même Bill Gates, dans une conférence TED vue 25 millions de fois, avait expliqué que le monde serait atteint par une pandémie géante et que ce serait même un coronavirus.

J’en conclus qu’il y avait au bas mot une vingtaine de millions d’individus sur cette  terre qui était donc au courant.

Et pourtant personne n’a voulu y croire, dans aucun pays, ou pratiquement dans aucun pays.

La Chine a réagi en retard d’un mois au moins (si ce n’est 2, l’annonce officielle a été faite au monde le 7 janvier alors que des premiers cas étaient apparus un mois avant, soit début décembre et les mesures de confinement ont été prises « seulement » le 25 janvier 2020).

L’Italie a réagi en retard également. Alors qu’elle enregistre déjà ses premiers morts dès le 31 janvier, elle va confiner d’abord la zone de Codogno (épicentre de 50 000 habitants) dès le 27 février 2020 puis la Lombardie seule le 8 mars et tout de suite après soit le 9 mars tout le pays. A ce moment-là on compte 433 morts soit un doublement des morts en un jour.

La France décide le confinement à compter du 17 mars alors qu’elle enregistre 175 décès à l’hôpital, et on apprendra que les décès hors de l’hôpital ne sont pas comptés.

L’Espagne a confiné dès le 15 mars, alors que le pays comptait 120 morts, et il a fallu attendre le 23 mars pour que le Royaume Uni décide un confinement de sa population (282 morts).

Certains pays se refusent à confiner. Il s’agit notamment de l’Allemagne qui adopte plutôt une stratégie de tests à grande échelle et de restriction des contacts sociaux. C’est pourquoi elle enregistre aujourd’hui 4 fois moins de morts que la France, 9 fois moins que l’Espagne et 12 fois moins que l’Italie. La Suisse ne confine pas non plus, de même que les USA. Dans ces deux derniers cas , on ne peut pas dire que le résultat soit très probant.

Je reviendrai sur ce sujet du confinement parce que je montrerai que ces mesures sont un pis aller, et qu’en plus elles ne peuvent pas marcher si la population n’a ni masques, ni tests, ni capacités sanitaires suffisantes, ce qui est le cas pour l’Espagne, l’Italie, la France et le Royaume Uni. C’est aussi le cas pour les USA prochain foyer actif de contagion où le nombre de lits de réanimation par habitant est dérisoire (2,8 lits pour 1000) , même en comparaison de la France (6 pour 1000).

L’Allemagne procède à 500 000 tests par jour (contre 15 000 actuellement en France) et dispose de 3 fois plus de lits d’assistance respiratoire et de réanimation que la France (15 000 et 30 000 contre 5000 et 10 000) . De fait, ce pays connaît l'un des taux de mortalité des personnes souffrant de la Covid-19 les plus faibles au monde avec 0,5% alors qu'il atteint 5,2% en France et 7% en Espagne par exemple.

Mais je reviens à  mon sujet du jour : il s’agit de comprendre pourquoi les pays, les uns après les autres n’ont pas pris la mesure de la pandémie au moins dès que l’on a vu se construire, soit fin janvier, deux hôpitaux immenses en Chine, pays qui n’est pas connu pour être spécialement attentif à la santé de sa population. Et pire, pourquoi a-t-on, notamment en France, négligé à ce point les chiffres venant d’un pays voisin et ami, l’Italie ?

En effet, la France dispose, depuis plus de 20 ans, d’un plan pandémie extrêmement bien fait, réactualisé chaque année, et qui, s’il avait seulement été suivi aurait pu économiser des milliers de morts. Ce plan précise même la rapidité de propagation des épidémies, au fur et à mesure de l’extension des échanges, autrement dit ce qui prenait 6 mois puis 3 mois, prend aujourd’hui 6 semaines à arriver depuis la Chine (épicentre de la plupart des dernières épidémies) jusqu’à l’Europe.

Première série d’explications :

  • La Chine nous a menti sur la gravité de la maladie et le nombre de morts,
  • Les épidémies précédentes à coronavirus se sont révélées moins dangereuses (moins contagieuses) que prévu : le SRAS en 2003 ne s’était guère propagé et nous n’avions, a priori, déploré qu’un seul mort. Idem pour le MERS (autre coronavirus mortel) en 2015.
  • Nous avons été traumatisé par l’ « excès » de précaution pris en 2011 pour la grippe aviaire H1N1, et la ministre de la santé de l’époque a été brocardée, à l’époque, pour avoir gaspillé vaccins et masques, restés inutilisés et jetés.

Deuxième série d’explications :

  • Nos gouvernements successifs ont laissé se détériorer notre système de santé, considéré comme une charge et non comme une ressource. Je ne reviens pas ici sur les fermetures de lits et les sacrifices demandés aux personnels, c’est très clair pour chacun je crois.
  • Les responsables (politiques, médiatiques et mêmes médicaux) nous ont menti. Il s’agissait de nous rassurer et de nous  cacher la vérité, ce qui est non seulement contraire à toute éthique démocratique (et journalistique) mais aussi un non-sens dans la prise en charge d’une épidémie où il faut obtenir la participation de la population et donc sa confiance. Les pays qui s’en sortent n’ont pas menti, et je pense en particulier à Taiwan qui a organisé des briefings quotidiens avec sa population en ne cachant rien de la gravité de la situation et des consignes à respecter.
  • Le discours du président devant la Tour Eiffel le 8 mars a été le suivant : « Face à la menace terroriste, nous ne renoncerons à rien. Surtout pas à rire, à chanter, à penser, à aimer. Surtout pas aux terrasses, aux salles de concert, aux fêtes de soir d’été. Surtout pas à la liberté. Surtout pas à notre esprit de résistance qui fait la République si grande, la France si forte. »
  • Et pour donner l’ « exemple », EM et sa femme était au théâtre le 7 mars, alors même qu’on annonçait le passage au stade 3 de l’épidémie.
  • Enfin, comme on avait une pénurie de masques, les journalistes (y compris Marina Carrère d’Encausse) ont été prié d’affirmer que les masques étaient parfaitement inutiles. Ceci a été repris par la porte-parole du gouvernement qui a dit qu’il fallait une formation pour porter un masque.

       Troisième série d’explications :

  • De façon générale, nous adoptons des comportements grégaires et nous ne voyons pas les signaux de fumée, surtout si personne n’y prête attention. C’est ce que l’on appelle le biais de normalité. C’est « normal » que nous recevions sur la tête une pluie de lapilli (Cf le Vésuve) si personne ne s’en étonne. (exemple parfaitement inventé)
  • Notre cerveau ne peut pas concevoir facilement ce que c’est qu’une progression exponentielle. C’est la ruse de Sissa en Inde qui avait demandé à être payé en grain de riz sur un échiquier, chaque case comptant le double de grains que la précédente. Le roi lui même s’y est fait prendre qui a dû payer à Sissa plus de tonnes de riz que le royaume ne pouvait en compter. L’augmentation exponentielle des cas de COVID a été ainsi minimisé.
  • Nous avons tendance à rechercher des confirmations à nos croyances, c’est le biais de confirmation. Comme on ne veut pas croire à ce qui se passe en Chine (les hôpitaux contruits en 10 jours, c’est pour  une démonstration de force, c’est une dictature, ils nous mentent), on va chercher tout ce qui peut nous démontrer le contraire. Et même quand il s’agit de l’Italie, on se dit que leur système de santé est à bout de course (ce qui n’est pas vrai en Lombardie) et que nos amis ne savent pas gérer une crise !
  • Et parce que justement les autres épidémies se sont éteintes avant de nous atteindre véritablement, on applique la théorie du cygne noir. Il n’existe pas de cygne noir…jusqu’à ce qu’on en voit un.
  • Nous avons une profonde aversion pour l’incertitude et donc, nous considérons que le monde ne peut pas être à la fois blanc et noir. Cette épidémie présente l’avantage (et l’inconvénient) d’être bénigne dans 80 % des cas. Nous en concluons qu’elle n’est pas grave presque dans 100% des cas. D’ailleurs, on nous a seriné qu’il y avait plus de morts annuels de la grippe saisonnière que de ce coronavirus. On a donc fait disparaitre l’incertitude. Car, dans presque 5% des cas, cette maladie est mortelle, ce qui est 50 fois plus élevé que la grippe saisonnière.
  • Nous avons peur du ridicule, c’est bête à dire, mais celles et ceux qui ont alerté très vite ont été moqués comme « catastrophistes », ou « hypocondriaques ». J’en fais partie essentiellement parce que j’ai des amis italiens qui m’ont informée. Et on m’a reproché d’inquiéter mes compatriotes ! Alors c’est vrai qu’il faut aussi éviter la panique qui n’est pas bonne conseillère. Mais il aurait mieux valu réagir bien plus vite. Un seul jour  gagné, et c’était des milliers de morts en moins (cf la croissance exponentielle).
  • Enfin, cette maladie présente la caractéristique d’être peu spectaculaire, du moins dans ses formes le plus fréquentes. Effectivement rien de commun avec Ebola qui fait saigner de tous les pores. Ici, on ne fait « que » tousser, avoir de la fièvre et se sentir fatigué, rien d’exceptionnel finalement. Donc, on pouvait adhérer à l’explication « grippette » donnée partout.

Il reste que presque tous les gouvernants ont réagi tardivement et qu’ils sont responsables, même s’ils ont dû faire avec la pénurie (qu’ils ont contribué à creuser) et qu’ils étaient également soumis aux biais cognitifs évoqué ci-dessus.Surtout que nous avons d'autres exemples en France de réactions trop tardives et de mensonges des pouvoirs publics (exemple la crise des Gilets Jaunes, qui a fait dire à notre président, dans ses voeux 2020:  "face aux colères exprimées par le mouvement des gilets jaunes, nous avons su instaurer un dialogue respectueux et républicain".)  !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

 

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