Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Mon écrivain préféré (épisode 3)

Mon écrivain préféré (épisode 3)

Après avoir passé en revue, les thèmes de prédilection les plus fréquents de Camilleri, je veux évoquer aussi les autres sources d'inspiration de cet écrivain prolifique:

  • L’époque industrielle
  • Les mythes
  • Les grands peintres
  1. Le XIX ème siècle

La concession du téléphone :

C’est le siècle où la Mafia sicilienne commence à exister. Donc pas de Montalbano, mais on est tout de même à Vigata en 1891.

L’Etat italien vient de se constituer, et il a très vite établi une bureaucratie administrative (nous sommes dans un pays latin), bureaucratie qui a tout de suite été inefficace et corrompue.
L’histoire commence quand Filippo Genuardi adresse une lettre au préfet de Montelusa pour lui demander comment activer une ligne téléphonique à usage privé. Après quatre mois de silence, et surtout après avoir impliqué un chef de la Mafia, sans quoi rien n’aurait pu s’activer, le chef du cabinet du Préfet fournit enfin des éclaircissements. En même temps, il l'informe du vrai nom de famille du préfet : Marascianno au lieu de Parascianno. Parascianno, dans la langue napolitaine, signifie "membre à taille animale": comme on dirait une très grosse tête de ...!

Le style léger, ironique et amusant de Camilleri, qui créée, à l’occasion, une myriade de personnages plus ou moins grotesques (et comment ne pas penser au grand Pirandello!), fait cependant de ce roman une dénonciation des maux qui sévissaient à l'époque en Sicile (et qui ne sont pas tous résolus aujourd’hui): la lourdeur de la bureaucratie, l’absence d’Etat, la difficulté pour un citoyen normal de se diriger dans l’enfer des différents organismes publics; l'inexpérience totale de la réalité locale des fonctionnaires catapultés en Sicile, la coutume de la population de s'adresser aux chefs mafieux pour résoudre leurs problèmes compte tenu de "l'incompétence" ou de la lenteur de l'Etat.

Un livre au style unique : savoureux :  pas d’histoire, mais une série ordonnée de dialogues, lettres, documents bureaucratiques, articles de journaux. Un récit vivant, rempli de personnages hauts en couleurs et de situations cocasses.   Un petit chef d'œuvre que ce roman épistolaire moderne, à lire absolument !

Dans le genre, il y a aussi La disparition de Judas, un roman exceptionnel, une enquête après la disparition du concitoyen qui joue Judas, lors de la fête de Pâques. Absolument hilarant également.  

  1. Les mythes: Maruzza Musumeci

L'histoire commence à Vigàta en janvier 1890. Pauvre émigré sicilien, Gnazio Manisco a réussi en Amérique. Mais quand il refuse un service à la mafia de BRUCHELINO (Brookleen) , il sait que ses jours sont comptés et décide de rentrer au pays après 25 ans d'absence. La vieille Pina, l’entremetteuse du village, lui trouve une femme : Maruzza Musumeci d’une grande beauté mais qui possède une étrange particularité.

Camilleri entrelace une histoire et une légende et, sur fond d’amour amer, il nous entraine dans un vrai conte de fées. Gnazio, en épousant Maruzza, épouse la Sicile, fascinante et tragique où la beauté des paysages se heurte à la dureté de la vie, où la netteté de la mer et la douceur des oliveraies et le parfum des amandiers contrastent avec la triste situation des ouvriers saisonniers considérés comme des « poux » “pirchì i pidocchi sunno come i braccianti stascionali, che macari Dio si scorda che esistino”. Parceque les poux sont comme les ouvriers saisonniers que même Dieu oublie leur existence.

Tout est écrit en dialecte, ce parler paysan reconstitué qui semble « originel » et ingénu :

“Aviva dù occhi ca parivano palluzze di celu, la vucca doviva esseri russa russa comu ‘na cirasuzza. Il nasuzzo dritto e fino spartiva a mità ‘a miluzza frisca, appena cugliuta, ch’era la so facciuzza. I capilli le arrivavano sino a sutta i scianchi. La cammisa era a sciuri, e faciva ‘na bella curvatura all’altizza delle minnuzze. La vita era accussì stritta che lui l’avrebbi potuta tiniri tutta tra il pollice e l’indice della mano e dalla vita si partiva una gonna tutta buttuna buttuna che arrivava fino ‘n terra. Da sutta alla gonna spuntavano i piduzzi che addimostravano ch’era fimmina e no sirena. Doviva esseri quattro o cinco jita cchiù avuta di lui. Era meglio di tutte le fimmine che aviva vidute nella Merica.

Elle avait des yeux qui ressemblaient à des morceaux de ciel, la bouche était rouge rouge comme une cerise. Le nez fin et droit partageait en deux sa figure comme une pomme fraiche, à peine cueillie, Les cheveux lui atteignaient les chevilles. Sa chemise ajourée dessinait une courbe à hauteur de ses seins. Sa taille était si fine qu’il aurait pu la tenir entre le pouce et l'index de la main, et de sa taille partait une jupe qui arrivait jusqu’à terre. De sous la jupe émergeaient des petits pieds qui montraient qu’elle était bien une femme et pas une sirène.  Elle devait avoir 4 ou 5 doigts de plus que lui (il avait perdu une jambe) . C’était la plus belle de toutes les femmes qu’il avait vues, même en Amérique

D’autres romans reprennent d’autres mythes, comme la femme biquette dans Le Grelot, ou la femme qui se transforme en arbre comme dans Le Garde Barrière.

 

  1. Dans une petite collection chez Skira, Camilleri met en scène la vie des grands peintres comme Caravage ou Renoir.

J’ai choisi Renoir, le ciel volé et voilà ce qu’en dit Camilleri lui-même :

"J'écris quelque chose de nouveau et de complexe : une longue histoire sur un voyage peu connu que Pierre-Auguste Renoir a fait à Agrigente, rapportée par son fils Jean Renoir dans la biographie de son père. Il semblerait que le portefeuille aurait été volé dans la maison d’un paysan qui l’hébergeait ».

Une occasion pour Camilleri de construire une histoire où il nous fait ressentir ce qui compte dans la peinture de Renoir, les couleurs, le jaune surtout qui baigne ses œuvres à cause du soleil et du bonheur de vivre ainsi que la sensualité de son pinceau !

 

Je pense en avoir dit assez pour que mes lecteurs partagent ma passion et j’espère surtout qu’Andrea Camilleri, qui dicte maintenant ses œuvres en raison de sa cécité, vivra encore longtemps pour nous enchanter tous avec sa fantaisie et son immense créativité.

 

Mon écrivain préféré (épisode 3)
Retour à l'accueil
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article