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Du supermarché à la bataille d'Hastings

Du supermarché à la bataille d'Hastings

Il en faut peu pour briser la glace et que les liens se créent.

Aujourd’hui j’étais allée faire quelques emplettes dans un très grand magasin dont le nom commence par « O » et finit par « Champs ».

Comme on est un jour de semaine, comme c’est le matin en début de matinée, quasiment à l’ouverture, le magasin gigantesque était presque vide. J’aime bien vagabonder dans les allées, voir les nouveaux arrivages de fruits et légumes, lire quelques magazines, imaginer que je change toute ma vaisselle, ou bien que je remplace toutes mes serviettes éponge, j’aime bien voir les expositions temporaires, fureter parmi les quantités de tout ce dont je n’ai pas besoin.

Oui, dans ces temples de la consommation, il y a aussi des surprises, des étonnements. Il y vole des oiseaux très souvent, et j’ai même vu disparaitre des souris dans les présentoirs à fromages.

Après ma petite promenade, me  voilà à choisir une caisse. Dans certains hypers, j’ai quelques caissières attitrées pour lesquelles je suis prête à attendre plus longtemps dans la file des chariots. Pourquoi ? Mais parce qu’elles sont en général souriantes et énergiques et que l’expérience humaine compte aussi pour moi. Je connais une Corine, qui doit avoir dans la cinquantaine, et une Nora, plus jeune qui sont vraiment mes préférées.

Ce jour-là ni Corine ni Nora n’étaient à leur poste, j’ai vérifié en remontant toute la rangée des caisses. Après ce premier choix, il me fallait me diriger vers la caisse la moins chargée, où je pensais attendre le moins de temps.

En voilà une, je m’y dirige.. Seulement trois chariots devant moi, c’est cool. Mais à peine arrivée, des cris violents éclatent au niveau de la caisse.

Et j’entends, mais très fort, hurler comme un chien méchant, un homme hors de lui :

  • "Va chercher ton chef, je te dis, vas-y, Bon sang, j’te demande de chercher ton chef. Puisque tu me crois pas, je veux que t’appelles le chef, vas-y. Non, je veux pas entendre tes explications à la con. Tu crois que j’ai rajouté un article, tu me prends pour un escroc. Appelle ton chef !"

L’homme qui nous déchirait les tympans devait friser les cinquante balais, enfin, c’était un balèze d’âge mûr, un peu basané, je ne sais pas, un peu créole plutôt. Le pire c’est que le caissier me semblait tout petit et ratatiné, un noir bien noir, mais petit, plutôt l’air gentil. Il ne répondait pas grand-chose, du moins, c’est ce qui en apparaissait. Il est vrai que le tapage du basané était si violent que de toutes façons, on n’aurait rien pu percevoir des balbutiements du pauvre salarié.

Dès que je me suis placée dans la file, immédiatement, j’ai crié moi aussi, mais en direction de l'homme en colère :

  • "Monsieur, vous ne tutoyez pas le caissier, s’il vous plait. Monsieur, vous m’entendez, ne tutoyez pas le caissier".

J’ai répété deux ou trois fois. Oui, je sais, je suis très fière de moi, j’ai joué les héroïnes (J'aime beaucoup SUPERWOMAN), et je viens là écrire mon acte de bravoure pour que vous tous mes lecteurs/trices, vous admiriez !  

Je sais aussi que c’était d’autant plus facile que j’étais à trois chariots du monsieur en colère. Je fais genre, mais je ne me serais peut-être pas intercalée entre eux deux si j’avais dû recevoir des coups. Donc c’était facile, il est vrai, il s’agissait juste pour moi d’interpeller un quidam pour lui rappeler le respect. La politesse, quoi ! Même si on est très énervé, même si on a raison, même si l’autre a mis en doute notre bonne foi et blessé notre moi profond, est-ce une raison pour lui manquer de politesse ? Non, vous en conviendrez !  Ceci étant, tout de même, les chariots devant moi, avec leurs propriétaires, assistaient à l’altercation sans broncher jusqu’à mon arrivée ! Non, mais quand même !

Le monsieur hors d’haleine a stoppé les cris, il a d’ailleurs également commencé à s’exprimer autrement. Les renforts sont venus, le chef, l’adjointe au chef, bref tout est rentré dans l’ordre. Le monsieur excité s’est expliqué : le caissier avait soit disant refusé d’entendre et d’enregistrer une réduction (ça ne devait pas chercher bien loin), le caissier tout petit a été momentanément remplacé par une jeune femme au sourire calme et rassurant, et cela a été la fin de l’histoire .

Mais ce n'était que le début de ce que je voulais vous raconter.

La femme devant moi, a dit que la politesse se perdait comme tout le reste, qu’elle était bien contente d’être retraitée, qu’au moins elle n’avait plus à supporter des gens agressifs comme l’excité devant nous.

Les gens derrière moi ont précisé qu’eux aussi étaient retraités. Le monsieur du couple habitait Bayeux. Nous avons parlé de la Tapisserie qui devait bientôt voyager au Royaume Uni.

  • "Tous les habitants de Bayeux ont protesté, mais elle va bien partir au printemps. Et avec le Brexit, pas sûr qu’elle nous revienne. "
  • "Mais on ira la chercher, le seul problème c’est qu‘il n’y a plus d’arbres sur les iles de Bernières, mais c’est bien pour la pêche. La pêche à pied, au filet, pas à la ligne, et il faut connaître: les marées, les grandes, là où on ramasse bien, elles montent vite !"

Je regarde mon interlocuteur…mais oui, il ressemble à Guillaume Le Conquérant, moins la couronne et le sceptre, c'est lui tout craché ! Bon, il n'a pas la barbe en pointe non plus, mais le reste je jure que c'était très ressemblant!

Nous parlons donc de Guillaume, comme s’il était là, à côté de nous. Guillaume qui a fait construire 1000 navires en quelques mois en coupant 6000 arbres (au diable l’avarice, quand il faut, il faut !) ; Tout le littoral normand et breton a été mis à contribution : bûcherons, charpentiers, et forgerons, tout le monde a bossé jour et nuit ! .

Guillaume, qui est parti de nuit le 25 septembre 1066 pour traverser la Manche avec tous ses hommes et plein de chevaux (qui ont été obligés de se tenir tranquilles sur les bateaux pendant toute la traversée)!. Guillaume qui a conduit la bataille de Hasting en enlevant son heaume pour que ses hommes voient bien qu’il était là, aux premières loges, dans la ligne de front et pour qu’il leur redonne le courage de continuer!. Guillaume qui a envahi l’Angleterre, où la présence française est donc la seule à avoir durablement imprimé sa marque (2 siècles) !

Ah, on se disait ! quel chef que ce Guillaume !

Et puis on a parlé des ronds-points, de celui de Bayeux. Le Monsieur qui ressemblait à Guillaume le Conquérant a dit qu’il allait voir les gens sur les ronds-points et qu’il leur faisait un petit signe. Il a dit qu’à la retraite, c’est sûr qu’il fallait faire attention, réduire son train de vie.

Il a dit que 80 km/h, cela lui faisait consommer plus d’essence parce qu’il possédait une « automatique » et qu’il devait rester en 4ème à cette allure-là. Il a dit que ça devait faire plaisir à quelqu’un au gouvernement, il ne se souvenait plus le nom de celle qui était ministre des routes ! C’est drôle parce qu’il se souvenait bien de Guillaume, au moins, mais au fond, c’est parce que Guillaume, c’était lui !

J’ai entendu , derrière eux,  des messieurs retraités qui s’étaient mis à parler. Mais, eux, ils racontaient que la Thaïlande c’était bien pour la retraite que le bath n’était pas cher, qu’on y mangeait pour 1,5 euros.

J’ai préféré rêver aux forêts disparues de Normandie, et rester avec Guillaume le Conquérant jusqu’à ce que j’ai fini de passer mon chariot moi aussi.

Il a bien fait, l’excité, de créer toute cette agitation, les gens se mis à se regarder et on avait plein de choses à se dire, c'était notre rond-point à nous!.

Et quand je pense qu'"on" veut nous supprimer les caisses des supermarché! moi je vote contre à coup sûr!

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