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Damned! mamie complote!

Damned! mamie complote!

Nous avons récemment abordé la question des théories complotistes et des soi-disant complotistes. (ICI) Nous avions déjà montré combien ces concepts restaient flous et surtout combien ils pouvaient servir, chez ceux qui se complaisaient à les combattre, non seulement à manipuler l’opinion, mais aussi à discréditer leurs contradicteurs. Avec un effet particulièrement pervers : pour justifier un soi-disant combat contre les théories complotistes et les complotistes voués à la vindicte des gens autoproclamés rationnels, il faut trouver suffisamment de manifestations de complotisme, et donc le caractériser de façon très large, avec par voie de conséquence beaucoup « d’adeptes » à combattre.

Mais alors, posons-nous une question : s’agit-il d’un mouvement politique ou social, d’une secte ? Avons-nous affaire à une « fédération nationale des complotistes » ? Bien sûr que non ! Alors, où sont les complotistes ?

La rubrique « magazine » d’un grand quotidien régional a récemment publié une chronique sur le thème : « Ma mère est complotiste, nous ne pouvons plus nous parler ». Au point que les familles se déchireraient : ma mère, mon frère, ma belle-sœur sont devenus complotistes et le dialogue est devenu impossible. Pire encore, lit-on dans une rubrique comparable, « J’ai rompu avec mon fils (ou ma fille), ils sont complotistes. »  Et chacun de penser au célèbre dessin humoristique sur l’affaire Dreyfus représentant un repas de famille. « Surtout, n’en parlons pas ! » en début de repas. « Ils en ont parlé » à la fin au milieu des verres brisés, des assiettes fracassées et des chaises renversées. En sommes-nous arrivés là ?

Cette perspective me révolte. Elle signifierait que, non seulement on veut discréditer les complotistes désignés comme tels, mais aussi que l’on veut briser les liens familiaux. Car entendons-nous bien : ce ne sont pas les pseudo-complotistes qui rompraient ces liens, ce sont leurs auto-proclamés adversaires qui, au mieux, les traitent comme des débiles mentaux (la chronique en question comporte l’interview d’un universitaire psycho-sociologue « spécialiste du complotisme » sur le thème : « comment parler à un membre de sa famille touché par le complotisme », comme s’il s’agissait d’un malade !) , et au pire les rejettent : peu importe les liens familiaux établis de longue date, la joie de se retrouver entre parents et enfants ou entre frères et sœurs, c’est la fin des rencontres familiales sereines !

Dans cette chronique « mère et fils », le fils croit déceler tous les signes du complotisme : sa mère a abandonné la télévision et les médias traditionnels pour internet et les réseaux sociaux, elle se dit adepte du professeur Raoult mais elle aime bien aussi les docteurs Delépine, Louis Fouché et Christian Perronne. Elle a d’ailleurs acheté le livre de ce dernier. Rappelons qu’un des arguments favoris des détracteurs de Christian Perronne est de mentionner ses engagements syndicaux en faveur d’une médecine publique plus solidaire et mieux dotée en personnels et équipements et plus solidaire. Et devinez comment, selon son fils, sa mère est devenue complotiste : « Elle est devenue végétarienne car elle a vu des vidéos terribles d’animaux se faire tuer. Elle m’a fait connaître l’association L 214, a participé à des manifs, ce qu’elle n’a jamais fait avant. Ce n’était pas complotiste. Mais il y a un cheminement… ». Ah bon, il faut déceler les cheminements qui vous rendent complotistes ?

Mais je ne vous ai pas dit le pire : cette complotiste en herbe est en colère contre beaucoup de monde, mais surtout contre le président Macron : Figurez-vous qu’elle pense « qu’il est néfaste. Et qu’il y a une volonté mondiale de foutre le pays par terre ». Et de dénoncer les « journalistes payés pour dire ce qu’on veut qu’ils disent ». Finalement, elle écoute « des gens qui ne sont pas pro-gouvernement » et souligne que « les lanceurs d’alerte et les journalistes d’investigation ne sortent pas des grandes écoles ».

Ah, j’ai oublié de vous dire que le fils en question a fait Sciences Po et travaillé dans un grand média. Il se considère donc comme investi de la mission sacrée de ramener sa mère dans le droit chemin.

 Je ne prétends pas défendre une pauvre mère dénoncée par son fils, je ne partage pas toutes les positions qui lui sont attribuées, mais je voudrais faire part de mes réflexions :

- Quand on a affaire à une description à la fois aussi floue et aussi péjorative des complotistes, on peut se demander s’il existe quelque part une définition sérieuse des complotistes. Et je fais la différence entre les idées, les thèses complotistes, qui existent bel et bien, et les personnes complotistes. Et, tant qu’elles ne sont pas structurées en organisations dangereuses pour la démocratie, je ne vois pas pourquoi on s’acharnerait à les combattre en tant que personne. Ou alors tout un chacun peut devenir un jour le complotiste de quelqu’un d’autre ? Qui n’a jamais été tenté de voir des relations de cause à effet dans des phénomènes qui relevaient de simples coïncidences ? Eh bien, ce serait le début du complotisme ! Ou bien tout le monde a été, à un moment donné complotiste, et alors à quoi bon en faire une catégorie, ou bien les complotistes n’existent pas là où on voudrait les voir.

  - Je suis un peu provocant, c’est aussi pour montrer que ces dérives « anti-complotistes » risquent de nous faire oublier où sont les vrais complotistes : par exemple ceux qui se réfèrent à Q-Anon pour affirmer qu’il existe « partout, en France et ailleurs, des tunnels où circulent des enfants enlevés à leurs parents pour être livrés aux pédocriminels » (citation, dans un autre article d’une « prédicatrice » de réseaux sociaux).

- Je ne suis pas opposé à la science, bien au contraire j’ai une formation scientifique. Mais l’affirmation d’une vérité unique, d’une « ligne officielle » dont les adversaires deviendraient ipso facto des complotistes, ce n’est pas de la science. Dans une vraie démarche scientifique, il faut demeurer en permanence très précis et être capable de décrire tous les paramètres d’une situation ou d’une expérience, et il faut jour par jour savoir faire évoluer ses raisonnements et ses déductions, et reconnaître ses erreurs d’appréciation ou ses anticipations démenties par les faits. Le font-ils, tous ces experts devenus chroniqueurs à plein temps qui nous assènent à longueur de journées leurs vérités incontournables et leurs dénonciations des « complotistes » ? Juste un exemple : il y a une dizaine de jours, on nous présentait comme imminente la progression « exponentielle » (là aussi, je ne veux pas vous infliger la bonne définition mathématique de cet adjectif, mais il est utilisé à tort et à travers) des contagions liées à l’arrivée des nouveaux variants du virus. Y a-t-il eu place pour un débat un peu dépassionné, pour une discussion calme sur la façon d’utiliser les projections (et non les prévisions) mathématiques ? Que nenni.

Les vrais scientifiques, chacun devrait le savoir sont des personnes pleines d’humilité et d’écoute, ce qui d’ailleurs ne peut que faciliter leur force de conviction.

- Allons plus loin. La contradiction est même consubstantielle au progrès de la science. Toute théorie, et donc toute « vérité » scientifique, est confrontée à un moment ou à un autre à des observations, ou à des expériences, qui viennent remettre en cause ses bases, ou pour le moins explorer des hypothèses qui ne rentraient pas dans le cadre initial. Ce fut le cas en médecine aussi. Ces nouveaux vaccins à ARN messager devant lesquels on s’extasie tant résultent d’une recherche menée en solitaire pendant de longues années par une chercheuse américaine d’origine hongroise, Katalin Kariko, envers et contre les courants dominants.

   -  N’oublions pas le rôle de l’argent, des sommes énormes qui sont en jeu pour imposer ces « vérités officielles » soi-disant évidentes et incontournables qui servent de base aux campagnes de stigmatisation de ceux qui osent réclamer pour le moins un débat. On le voit bien dans la promotion des recherches sur les médicaments les plus coûteux au détriment des plus accessibles. Là aussi, il n’y a jamais eu de débat pondéré sur les effets de l’hydroxychloroquine. C’est probablement le cas aussi pour d’autres médicaments simples d’accès que l’on écarte volontairement car non rentables.

Alors, n’utilisons pas à tort et à travers le terme « complotiste » pour dénigrer celles et ceux qui osent exprimer des avis différents, divergents ou dérangeants. Ecoutons-les, ils nous aideront peut-être mieux que les pseudo-experts à réfléchir et à trouver des réponses aux problèmes qui nous tourmentent.  

Signé Vieuziboo

 

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