Pour un cold case, c’est un vrai cold case à plusieurs titres. D’abord, les faits remontent à 1959, soit il y a plus de 65 ans. Ensuite, les évènements se sont déroulés dans l’Oural par moins 30 degrés. Enfin, à cette époque, la Russie s’appelait l’URSS et était très fortement fermée au monde occidental.
L’auteur de ce livre est un documentariste américain. Il est allé sur les lieux du drame en 2012, a interrogé tous les experts possibles en Russie et aux USA, a conduit une sorte de reconstitution très pointue, en éliminant les innombrables fausses pistes déjà avancées pour tenter de comprendre ce qui s’est passé.
Je précise que ce mystère est très connu, et qu’il a donné lieu à de nombreux livres et à moult hypothèses, au point de susciter, récemment, une nouvelle étude scientifique, en Russie, en 2019. C’est dire si le cas est extraordinaire.
Voilà l’histoire qui reste à ce jour une énigme même si l’auteur de cette enquête a tout réuni pour tenter une explication plausible des causes de ce drame.
En janvier 1959, un groupe de 10 étudiants de l’Institut polytechnique de l’Oural d’Iekaterinbourg, âgés de 20 à 25 ans (sauf un professeur de sport qui avait combattu pendant la Seconde Guerre mondiale et qui avait 37 ans), tous randonneurs et alpinistes expérimentés, ont décidé de gravir, à skis, le mont Otorten, en Sibérie. L’expédition devait durer 2 semaines.
« J’apprendrai plus tard que ce n’est techniquement pas la Sibérie, seulement la porte d’entrée. La vraie Sibérie, qui s’étend de l’est de l’Oural jusqu’à l’océan Pacifique, commence de l’autre côté des monts de l’Oural. Enfin, la Sibérie est historiquement plus une entité mentale qu’une destination géographique, c’est l’enfer gelé sur Terre dans lequel les tsaristes et les communistes russes ont envoyé leurs dissidents politiques. Ainsi, la Sibérie n’est pas tellement un endroit, mais plutôt une épreuve à endurer ».
8 hommes et 2 femmes partent donc le 23 janvier 1959, très bien préparés et équipés sérieusement. Au cours de l’expédition, l’un des étudiants, souffrant de douleurs articulaires, rebrousse chemin. Le reste de la troupe, menée par Igor Dyatlov, étudiant en ingénierie de 23 ans, poursuit sa route.
Le 1er février 1959, l’équipe établit son camp et monte sa tente sur les pentes enneigées de la Kholat Saykhl, la « montagne morte » dans la langue des Mansis, peuple autochtone de la région.
Et c’est la dernière fois qu’on les sait vivants.
Près de trois semaines plus tard, l’État soviétique envoie une équipe de secours sur place.
On découvre assez rapidement leur tente, découpée de l’intérieur par un objet tranchant, mais aucun signe des alpinistes. Finalement, les corps ont été retrouvés à des endroits différents dans un rayon de deux kilomètres autour de leur camp, à demi nus, à des températures absolument glaciales.
« Certains avaient le visage dans la neige, d’autres étaient en position fœtale et quatre d’entre eux étaient au fond d’un ravin, agrippés les uns aux autres. Tous étaient nu-pieds.
Une fois les corps rapatriés en ville, les analyses médico-légales se sont révélées déconcertantes. Six d’entre eux étaient morts d’hypothermie et les trois derniers avaient succombé à de violentes blessures, dont une fracture au crâne. Le dossier indique qu’une des victimes n’avait plus de langue. Et quand leurs vêtements furent examinés, un radiologue a constaté un taux anormalement élevé de radiations. »
La peau des randonneurs avait pris une curieuse teinte brune. Certains avaient des orbites vides, yeux visiblement enlevés. Les étudiants avaient cherché à sortir très vite de leur abri, comme pris de panique, en éventrant les lourds tissus d’isolation de leur tente, mais cette fuite s’était effectuée sans beaucoup de précautions, par des températures mortelles. Certains avaient revêtu les habits des autres pour se protéger. On a trouvé des piles de vêtements posés sur des branchages loin de la tente. Une tentative d’allumer un feu a été constatée.
Une attaque des Mansis aurait-elle eu lieu ? cette hypothèse a été rapidement écartée. En effet, « les Mansis évitaient généralement de s’approcher de Kholat Syakhl, car la chasse y était impossible sur son versant désolé et la montagne n’avait ni valeur religieuse ni sacrée pour leur communauté. »
De plus, aucune trace humaine, autre que celle des étudiants, n’a été relevée à proximité du campement et des corps. Pas non plus de traces animales.
Les autorités russes de la dernière étude ont conclu au scénario de l’avalanche, peut être causée par un tremblement de terre. Mais d’après tous les spécialistes, l’avalanche est impossible à cause de l’inclinaison de ce versant, où d’ailleurs aucune avalanche n’a jamais été enregistrée.
« Les taux de radioactivité détectés sur les vêtements des randonneurs ont largement contribué à l’hypothèse qu’une arme, possiblement nucléaire, avait explosé au-dessus ou à proximité du campement, forçant les alpinistes à fuir leur tente et les poussant à se blesser, leur vision étant potentiellement affectée. »
Mais les taux de radiation, pour très importants qu’ils aient été, étaient encore insuffisants pour expliquer la frayeur soudaine qui s’est emparée des randonneurs.
L’auteur de cette enquête finit par construire un scénario qui ne répond pas à toutes les questions que l’on se pose, mais qui parait plus ou moins plausible au regard de la science et des indices retrouvés sur place.
Ce n’est pas mon rôle de chroniqueuse d’en révéler les clés, car il serait dommage de spoiler cette intrigue qui ne livrera d’ailleurs jamais sa vérité.
J’ai lu ce reportage comme un thriller. Il était passionnant aussi de se remémorer ces années soviétiques, dont personne, à l’époque, n’imaginait la fin, 30 ans plus tard seulement...Sic transit...
Monument hommage aux randonneurs