Voilà un roman jubilatoire, écrit avant les Katas successives de la planète, COVID-19, Guerre en Ukraine, Crise Inflationniste et tutti quanti qui nous gâchent le plaisir simple de l’humour face aux « ennuis », enquiquinements et désordres privés et familiaux.
Toby Fleishman est un médecin hépatologue, juif new-yorkais, et il vient de se séparer de sa femme après 14 ans d’une tentative de construction d’une cellule familiale digne de ce nom, le ménage ayant deux enfants et des vies professionnelles très chargées. L’échec du mariage semble dû, en grande partie, à cette dingue de Rachel, la femme de Toby, qui, en dépit (ou peut-être à cause) de ses failles psychologiques, réussit admirablement dans son travail et n’est absolument pas douée (ni peut-être intéressée) par le rôle de mère de famille.
Rachel, c’est la working girl parfaite, qui évolue dans un milieu de strass et paillettes (elle est agent artistique, ce qui doit être à peu près l’équivalent de producteur) et elle a créé son entreprise qui marche du feu de dieu. Seulement voilà, Rachel doit vaincre ses propres démons, et notamment son syndrome de l’imposteur. Elle n’est pas issue de la classe « Upper East Side » qu’elle côtoie journellement, bien au contraire. Sa famille à elle s’est perdue dans les brumes des difficultés économiques et sociales, le père est aux abonnés absents depuis longtemps, la mère tire le diable par la queue.
Toby est tombé éperdument amoureux de cette fille qui sortait de son cadre habituel, famille unie et pratiquante, solidarité, liens, secours, chaleur, peut-être justement à cause de ce qu'il considérait comme "exotique" chez elle.
Et la situation va s’inverser. Toby, respecté parmi les siens (« Fais d’abord médecine » est le mantra de toute mère juive digne de ce nom), va être soigneusement, à son grand étonnement, méprisé par les ultra-richissimes de Manhattan que fréquente sa femme. C’est tout juste si un médecin est considéré au-dessus d’un plombier ou d’un commerçant. Ce qui donne lieu à des situations vraiment cocasses, dignes de Woody Allen, auquel on pense constamment en lisant ce livre.
Bon, Toby se console très vite de la séparation, car il pratique les applications où il découvre qu’il existe un nombre incalculable de femmes, de femmes « bien », volontaires, assumées, qui ne pensent qu’à « ça » et n’hésitent pas à prendre les devants. Aucun besoin de faire des efforts de séduction en déployant des parades de mâle Alpha. Lui le petit gros est désormais considéré comme un Casanova par des femmes déchainées qui lui envoient des vidéos suggestives, voire carrément pornos. Et ce serait bien son activité favorite s’il n’avait pas à prendre en charge ses enfants quand c’est son tour…. Enfin, plus que son tour, car Rachel n’est guère empressée pour les garder.
Elle va aller jusqu’à lui déposer les deux mômes dans la nuit puis elle disparait de longues semaines sans qu’on puisse la contacter. Toby demande la garde exclusive, mais son avocate lui fait remarquer que dans les faits, il l’a déjà, la garde exclusive !!!
On découvre dans la dernière partie du roman que la situation vue du point de vue de Rachel est bien différente de celle que l’on a partagée avec Toby. Et c’est beaucoup plus profond qu’il n’y parait : comme dans tout divorce, les torts sont partagés, le médecin qu’est Toby n’a peut-être pas tout vu et compris dans la personnalité de Rachel…
De ce livre, qui a été nominé au National Book Award, une série a été tirée et vient de sortir sur Dyney + ; Elle est intitulée "Anatomie d’un divorce" et je trouve qu’elle restitue bien l’ambiance et les caractères qui sont croqués dans le roman.
L’autrice, dont c’est le 1er roman, est une chroniqueuse avertie du New York Magazine où elle dresse des portraits caustiques des personnalités de cette ville-monde.
A lire pour se régaler d'une verve intelligente dans le style de Roth...