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Richard III (théâtre Les Gémeaux Sceaux)

Richard III (théâtre Les Gémeaux Sceaux)

Que dire d’une mise en scène culte, célébrée par les plus grands festivals, encensée par la presse, (elle date de 2015) avec, dans le rôle-titre, un acteur tout aussi génial, qui habite le rôle et colle à la mise en scène d’une manière époustouflante ?

La pièce devait être jouée aux Gémeaux à Sceaux en 2022, mais avait été décalée pour des raisons de COVID-19. Elle y est enfin revenue pour quelques représentations seulement. Et c’est évidemment un triomphe, dans une salle comble à craquer, les applaudissements debout, et, durant tout le spectacle, un public fasciné, immergé dans le jeu des acteurs, dans le texte (en allemand surtitré), dans l’histoire racontée par Shakespeare, dans la musique, dans les lumières et tout ce qu’on aime d’une représentation de théâtre.

Cette pièce est déjà en elle-même un chef-d'œuvre. On y voit l’éclosion d’un monstre, l’épanouissement d’un être satanique, d’un génie du mal, du mal absolu, irrémédiable, impossible à contrecarrer. Nul doute que ces êtres sortis de l’enfer exercent sur nous une sorte de magnétisme, un envoûtement et sans conteste aussi une séduction /répulsion dont on a du mal à se défaire.

Rappelons qu’il s’agit de la Guerre des Deux Roses en Angleterre, une guerre civile qui a réellement eu lieu entre 1450 à 1485 (35 ans tout de même!) et qui était une guerre de succession opposant deux branches des Plantagenêts prétendant à la Couronne, York d’un côté (avec, pour emblème, une rose blanche) et Lancastre de l’autre (dont l'emblème était une rose rouge). C'est une guerre entre cousins. Shakespeare situe son action au moment où la guerre semble se terminer par une victoire (provisoire) des York. Et c’est le frère ainé de Richard, Edouard qui était appelé à régner. Richard s'est emparé du trône au détriment de ses neveux Édouard V et Richard de Shrewsbury, qu'il fait déclarer illégitimes et enfermer à la tour de Londres, après la mort brutale de son frère.  La postérité a gardé de Richard l'image d'un tyran machiavélique et monstrueux, coupable d'infanticide.

Richard III est une œuvre de jeunesse de William Shakespeare, écrite vers 1591, soit quand l’auteur avait 28 ans. Il s’agissait d’une série (comme aujourd’hui pour les films) historique de 4 épisodes et celui-ci est le dernier.

Shakespeare a fait de Richard III un être difforme, bossu et contrefait, qui se décrit lui-même comme « inachevé ». Ambitieux et intelligent, il revendique sa méchanceté : « J'ai bien l'intention de prouver que je suis un méchant Et que je hais les plaisirs frivoles des jours actuels. »

Parmi ses plus horribles forfaits, il souhaite tout d’abord épouser la princesse Anne, c’est-à-dire la veuve d’Édouard de Westminster, et fille d’Henri VI, tous deux assassinés par les bons soins de Richard. Et c’est avec la plus grande des contritions « apparente », tout en ne niant nullement avoir tué les proches de la princesse, qu’il arrive à se faire accepter d’elle, à son grand étonnement d’ailleurs.

Puis il manigance le meurtre de l’un de ses frères, ainsi que celui des petits héritiers, encore enfants de son frère ainé, puis aussi l’exécution de la princesse Anne (quand elle ne peut plus lui servir) et organise son mariage avec une nièce, elle aussi encore enfant. Tout cela en se faisant passer pour un pénitent, un homme si faible et si peu agressif qu’il ne peut que chercher refuge dans la piété religieuse.

L’acteur qu’a choisi Ostermeier, Lars Eidinger, est un acteur fétiche, habitué des rôles Shakespeariens, ultra-doué, drôle, vif et plastique, capable d’être sympathique tout en incarnant le rôle luciférien du bossu, bref, il réussit parfaitement à jouer le caractère paradoxal de l’homme dénaturé qu’est Richard III.

La mise en scène est d’une efficacité remarquable. Le minimalisme du décor convient aux couleurs -presque totalement homogènes- des costumes en blanc et noir, costumes qui contrastent, par leur rigueur, à la nudité fréquente de Richard III, lequel n’hésite pas (les allemands sont naturistes !!!) à jouer toute une scène complètement nu, habillé, si j’ose dire, de sa seule bosse dans le dos, retenue pas des sangles. C’est d’ailleurs très bien pensé, et on conserve ainsi l’illusion d’une personne fortement handicapée, même totalement nue.

La scène est aussi peuplée de cordages, de ficelles qui pendent, de fils électriques, de lumières accrochées au bout d’une corde. Tous ces éléments de décor renvoient aux prothèses invisibles qui soutiennent Richard III et nous rappellent ses difformités. Un usage hyper modéré de la vidéo est destiné aux gros plans sur le visage parfois grimé de Richard, lunaire, fantomatique.

Et il y a un batteur sur le côté de la scène, qui ajoute à la musique rock, des rythmes et battements assourdissants. Notamment au début, quand tout le monde entre en scène pour fêter l’accession au trône du frère ainé de Richard.

La dernière scène est spectaculaire. Richard finit pendu comme un bœuf à l’étal, pendu par une jambe, tête en bas, comme une bête, à moitié nue, prête à l’équarrissage.

« Mon Royaume pour un cheval » est aussi dit en anglais, comme occasionnellement, certains passages au cours du spectacle.

C’est vraiment une représentation qui marque l’esprit et qui fera (qui fait déjà) date dans l’histoire du théâtre.

 

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