C'est une pièce jubilatoire où l’on rit beaucoup.
30 personnages interprétés par cinq comédiens jouent un monde sous algorithme, une société où le seul hasard est celui du fonctionnement correct ou non des applis.
Car nous vivons dans un monde complètement enchevêtré par les fils invisibles des connexions, dans une société de rencontres virtuelles, d’émotions en ligne, de projets immatériels.
Pour citer Rousseau, « l’homme est né libre, et partout il est dans les fers », et les nouvelles prisons, dans lesquelles nous nous sommes précipités nous-mêmes, nous donnent l’illusion de la liberté et de la gratuité, alors que, bien évidemment, nous sommes les objets d’échange (et de consommation) des plateformes qui nous dévorent. Nous n’échappons pas à la tyrannie d’internet, qui, au lieu de libérer notre temps, nous enchaine nuit et jour dans tous les aspects de nos vies.
La scène est celle d’un café, le Woody’s Market où les personnages travaillent, l’œil rivé sur leurs PC et leurs smartphones. Des spectateurs prennent place parmi les acteurs et viendront même participer à certaines scènes à titre de figurants. Nous voyons ce qui se passe sur certains écrans par projection sur les murs de fond de plateau, des divers SMS et message provenant d’applications par lesquelles échangent les personnages. Mails, profils Facebook, photos Tinder, et videos Insta , Snapp, tweets en tous genres…sont diffusés en temps réel (avec erreurs de frappe, orthographe SMS, et Tags de partage) et donnent un effet d’immédiateté et de dispersion des communications.
Nous suivons huit histoires entrelacées, et les comédiens endossent plusieurs fois les costumes des différents personnages qu’ils incarnent. (Au passage, ils sont tellement habiles et bons comédiens que parfois on les reconnait à peine dans les différents rôles qu’ils endossent).
De mémoire, il y a :
Dans cette urgence où nous vivons, parmi les messages et informations qui arrivent en flots continus, nous côtoyons bien des dangers : la surveillance dont nous sommes les objets, la permanence des informations transcrites on ne sait pas où et qu’on ne maitrise pas, la restriction de nos contacts humains réels, le vide de nos existences…tout cela contribue à nous plonger dans une angoisse qui pourrait bien nous conduire à la folie. Quel sens donner à nos actions ?
Le spectacle est très drôle, on y rit beaucoup, mais c’est aussi parce que l’on s’y reconnait tout à fait. C’est une géniale idée que de nous montrer nos sottises et l’absurdité du monde dans lequel nous pataugeons. C’est foisonnant et riche de sens, on ne s’y ennuie pas malgré les 2h40 de représentation.
Texte et mise en scène Guillermo Pisani ; Avec Marc Bertin, Sol Espeche, Pauline Jambet, Benjamin Tholozan en alternance avec Maxime Le Gall, Julien Villa
Au Théâtre de la Tempête (Vincennes)