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De la loi anti-fessées et de ses dérives

De la loi anti-fessées et de ses dérives

Nous avons tous l’idée que les pays de nord de l’Europe sont en avance sur la liberté des mœurs, la protection sociale et les droits des femmes.

Et c’est vrai que la Suède, le Danemark, la Norvège et la Finlande possèdent un modèle économique et social qui conjugue l’État-providence et l’économie de marché, avec chacun leurs spécificités. L’État-providence dans les pays nordiques met l’accent sur le plein-emploi, la promotion de l’égalité des sexes, la mise en place d’allocations sociales égalitaristes et une politique budgétaire libérale expansionniste, quoique les dépenses sociales scandinaves sont, en termes relatifs, équivalentes à celles qui peuvent être constatées en Allemagne, en France, en Belgique, aux Pays-Bas et au Luxembourg.

La caractérisation majeure de ce modèle social nordique repose sur le fait que tous les pays nordiques ont connu des démocratisations précoces ainsi qu’une très grande stabilité tout au long du XXe siècle, favorisant de fait la mise en place et le maintien de modèles sociaux adaptés et efficaces.

Il faut toutefois remarquer qu’un tel modèle ne semble pas pouvoir exister sans une éthique protestante, fortement présente dans les pays nordiques. Cette Europe du Nord partage, en effet, une identité scandinave « spécifique » caractérisée par un attachement à un certain modèle de société conciliant libertés et moralisme, civisme et démocratie, respect de l’individu et « sens de la communauté », recherche de l’intérêt général et de la justice sociale.

Mais voilà, il y a un mais. Il y en a certainement plusieurs mais je voudrais vraiment souligner aujourd’hui un problème majeur à mes yeux et qui commence à faire beaucoup parler de lui. Il s’agit de la protection de l’enfance.

Tout commence en 1979, quand la Suède, la première (au monde ?) adopte la loi anti-fessées. L'interdiction de la fessée (loi LVU) a été votée à l’époque contre l'assentiment du peuple suédois car les cas de maltraitance envers les enfants étaient statistiquement faibles, le pays étant rigoriste mais très largement « bienveillant ».

Il semblait aux pouvoirs publics qu’en mettant fin à la violence et à d'autres expériences négatives dans l’enfance, on verrait moins de pauvreté, d’inégalité, de dépendance à l’alcool et à la drogue, de phénomènes d'automutilation, de maladies mentales et de maladies non transmissibles, ainsi que moins d’épisodes de violence à un stade ultérieur de la vie. C’est louable, certes, mais ce n’était peut être pas nécessaire de tomber dans des excès inverses.

Car ces pays ont connu l’avènement du règne de l’enfant roi :  terminées punitions et réprimandes, privations de TV ou autres châtiments considérés comme des atteintes à la dignité de l’enfant ! Malgré un taux de natalité parmi les plus élevés d’Europe, en Suède, les enfants sont considérés comme des espèces en voie de disparition à protéger des méchantes personnes qui pensent que passer 5 minutes au coin n’ont jamais tué personne.

Dans ce royaume pour enfants, et grâce à l'imprécision de la loi LVU ,  les services sociaux sont autorisés à enlever les enfants à leurs parents au moindre doute. La loi place l’enfant au centre (ce qui est certainement une bonne chose) et considère qu’il ne faut prendre aucun risque.

On ne peut qu’être en accord avec ces super-principes, car la maltraitance est un fléau épouvantable. Mais le système de protection scandinave n’est plus du tout orienté vers la famille.  C’est l’intérêt de l’enfant qui prime et, pour le défendre, c’est l’Etat qui décide. Seul ! L’État doit être en mesure de détecter au plus tôt les individus et les groupes en situation difficile afin de prévenir les problèmes plus sévères qui pourraient apparaître. « L’État est proactif, il s’implique dans les vies des individus et des familles, même si cela implique d’être intrusif ».

Jusqu’à présent, on est toujours d’accord, il vaut mieux que l’Etat s’implique plutôt que de laisser filer d’horribles maltraitances parentales.

C’est juste après, dans la mise en œuvre de ces belles idées, que le cauchemar Orwellien s’installe dans le paysage.

En Suède, une loi oblige tous les professionnels de l’enfance à faire part du moindre soupçon concernant un enfant. Cette obligation légale ne concerne pas les citoyens, mais dans la pratique, les citoyens, très sensibilisés, participent au signalement (par la délation). Or, les signalements sont systématiquement pris en compte par les services sociaux, qui doivent enquêter et faire un rapport. Et les bonnes intentions ne donnent pas toujours naissance à de bonnes décisions.

Car l’horreur du risque (que l’on peut comprendre) s’accompagne d’une grande inconséquence et d’un manque criant de compétence des travailleurs des services sociaux (qui ne sont ni médecins, ni psychologues). Le profil type d’un agent des services sociaux, c’est une femme jeune, mal payée et surbookée. Or, le « risque palpable » n’est pas défini, il est justement décidé par les agents des services sociaux..

Sur simple dénonciation, les enfants sont donc subtilisés et placés dans une famille d’accueil sans possibilité, pour les parents biologiques, de les récupérer. Il est bien évident que lorsque l’État s’immisce à ce point dans les affaires familiales, qu’il enlève les enfants à leur famille avec autant de légèreté, il se transforme en une arme de destruction massive.

C’est ainsi que le Barnevernet (la DASS norvégienne) décide de retirer un enfant à ses parents aux seuls motifs que l’enfant n’a pas assez de contact visuel avec ses parents, ou que la mère a connu, dans le passé, un épisode dépressif ou encore qu’un enfant présente un eczéma inexpliqué…Un câlin selon les normes latines, et on pourrait vous suspecter de pédophilie. Une ecchymose sur les genoux, et on pourrait vous accuser de maltraitance. Il est quasiment interdit de donner des cours à ses enfants à domicile, comme l’atteste le cas d’un enfant de 7 ans confisqué à sa famille qui lui faisait l’école à la maison.

A cela s’ajoute le fait que les familles d’accueil sont très peu contrôlées et qu’elles peuvent, elles aussi et à condition que ce soit « invisible » maltraiter un enfant et ne pas lui apporter l’affection dont il a besoin. Car la famille d’accueil, dont on peut douter que statistiquement elle exerce cette activité par charité, au vu des émoluments que l’État verse, ne peut se poser en substitut de la famille adoptive ou biologique. De fait, une véritable industrie du placement d'enfant s'est développée en Suède (et d'une manière plus large dans les pays nordiques), avec les gouvernements qui paient des encarts publicitaires dans les média pour recruter des familles d'accueil.

Enfin, puisque le recours aux familles d’accueil coûte très cher à l’État, la solution qui se dessine est de généraliser les institutions gérées par d’importantes entreprises ….ça ne vous rappelle rien ?

Ne croyez pas que ces dérives soient marginales : La Norvège a été condamnée plusieurs fois par la Cour Européenne des Droits de l’Homme, pour des « enlèvements » abusifs.

A l’heure où la France adopte une loi anti-fessée, je conclurais par ces mots de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe : « Les enfants ont le droit d’être protégés contre tous les types de violence, d’abus et de négligences, mais ils ont aussi le droit de ne pas être séparés de leurs parents contre leur volonté, sauf quand […] c’est absolument nécessaire dans le meilleur intérêt de l’enfant. »

 

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