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Sophia Petrovna (Lydia Tchoukovskaïa, ed Interférences)

Sophia Petrovna (Lydia Tchoukovskaïa, ed Interférences)

Lydia Tchoukovskaïa, née en 1907 à Saint Pétersbourg/Leningrad (et décédée 89 ans plus tard à Moscou, ce qui lui aura permis de voir le début et la fin de l’Union Soviétique) est une écrivaine rare, militante des droits de l’homme dans un pays où ceux-ci ont largement été bafoués.

Influencée par son père, écrivain pour enfants, elle a commencé dans la vie active dans une maison d'édition de littérature enfantine russe avec pour fonction de choisir et de corriger les manuscrits.

Son second mari, le physicien Matveï Petrovitch Bronstein a été arrêté en 1937 et fusillé en 1938 à l'âge de 31 ans, ce que son épouse n'apprendra que plus tard. Elle échappe à l'arrestation en quittant son appartement de Léningrad, mais perd son travail. En secret et au péril de sa vie, elle écrit pendant les purges, de 1939 à 1940, le roman Sophia Petrovna qui est une enquête sur les victimes de la terreur stalinienne. De 1949 à 1957, elle écrit La Plongée dans la même veine.

 

 Le roman « Sophia Petrovna », autrement appelé « La maison déserte » ne fut accepté qu’en 1962, et pour une courte période seulement, près de 10 ans après la mort de Staline.

Indéfectible militante des droits de l'homme, Lydia prend la défense de Boris Pasternak puis d'Alexandre Soljénitsyne et d'Andreï Sakharov. Les autorités réagissent : elle n’est plus éditée et exclue de l'Union des écrivains de l'URSS dès 1974.

En 1980, paraissent ses Entretiens avec Anna Akhmatova, dialogue d'un quart de siècle avec son amie qui, en France, a été adapté au théâtre sous le titre Journal d'une autre.

 

 

C’est donc un récit poignant, quasiment écrit sur le vif, (comme à l’écorché) que ce roman Sophia Petrovna. En 1939, au moment où Lydia Tchoukovskaïa l’écrit, nous sommes juste avant le siège de Leningrad auquel l’auteure, bien inspirée échappera, en s’enfuyant . Un récit écrit alors que l’auteure ignorait ce qu’il était advenu de son second mari.

Elle y raconte l’histoire d’une jeune femme, fervente admiratrice de la révolution russe, qui, parce qu’elle élève seule son fils, entreprend de travailler comme dactylo. Or, petit à petit, elle constate d’étranges disparitions autour d’elle. Son patron, puis des relations éloignées, puis une collègue, puis une amie sont soudainement absents. Elle apprend qu’ils ont été arrêtés pour trahison. Elle est d’abord étonnée, puis interrogative, puis  de plus en plus désolée, et elle arrive à se convaincre qu’il ne peut s’agir que d’une méprise. Jusqu’à ce que son fils, devenu lui aussi un travailleur modèle soit également arrêté. La bureaucratie, les queues interminables aux différents guichets ont quasiment raison de sa santé physique et mentale.

Le récit est court, le style rappelle celui de Kafka (le sujet aussi d’ailleurs), la traduction est lumineuse.

Je ne manquerai pas de lire le second livre traduit en français un peu sur le même thème et de la même écrivaine : La Plongée.

C’est un vrai bonheur de redécouvrir ces écrivains, un bonheur qui fait mal, comme une démangeaison d’eczéma, car nous sommes dans une période qui redécouvre également les dictatures, et que se souvenir de ces abus est indéniablement angoissant. Mais justement, il faut absolument les lire pour avoir bien conscience que la démocratie est un des biens le plus précieux que nous possédons encore et qu’il faut y veiller très attentivement, avec toutes ses imperfections.

 

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