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Asymétrie (Lisa Halliday ed Gallimard)

Asymétrie (Lisa Halliday ed Gallimard)

Ce premier roman de Lisa Halliday (en plus quel nom, si c’est bien son nom véritable !) avait tout pour m’agacer.

« Asymétrie », le titre est à fois tentant et intrigant, déjà agaçant comme un mal de dents. De quoi va-t-elle nous entretenir, cette auteure qui, on le sait car cela a été révélé partout, a eu une relation amoureuse avec LE-GRAND-ECRIVAIN, Philip Roth, mort trois mois après la publication de ce livre ?

Je sentais déjà venir la forfaiture : alors Madame, on couche avec un vieillard de génie et voilà qu’on devient écrivain ? En même temps, j’avais bien envie, et c’est humain, non ?, d’en apprendre un peu plus sur celui que le monde entier admirait, et croyait connaître puisqu’il s’était finalement assez longuement promené tout nu sous nos yeux de lecteur ? Car, au fil de ses presque 30 romans, Philip Roth nous a livré plus qu’un portrait de New York (auquel il était si attaché que la ville me semble être révélatrice de toute sa personnalité), il s’est dévoilé, il a existé dans ses personnages, il est présent dans chacun d’eux comme une petite esquille de verre plantée dans leur cœur.

On était donc certain de l’avoir approché de très près, Philip Roth, pendant toutes ces années où on lisait ses romans les uns après les autres (« Tiens, t’as lu le dernier Philip Roth, c’est un Nathan Zuckerman ? » ou bien, « J’ai trouvé que c’était son meilleur roman », ou encore, « Non celui-là, il est moins drôle ») . Je pense malgré tout, malgré notre addiction à ses romans et notre souci de suivre les états d’âme de l’auteur, que, comme bien des écrivains, Roth ne nous donnait pas tout et qu’il nous manquait toujours l’essentiel, la partie non révélée, l’homme donc.

Et c’est pourquoi j’avais même un petit frisson quand j’ai ouvert de livre évènement de Lisa Halliday, ASYMETRIE.  J’espérais qu’il allait, sous le prétexte de la fiction, me faire entrer dans les alcôves et, donc, dans l’intimité du GRAND HOMME.

Je ne cache donc pas mon désir voyeuriste. En plus, il y avait à voir les amours d’un vieillard (il avait 72 ans) et d’une toute jeune femme (de 22 ans). Peut-être qu’il fallait comprendre là, l’explication du titre : ASYMETRIE.

Alors oui, je vais dire que je n’ai pas été déçue. Oui, Lisa décrit bien une relation entre une jeune femme, appelée Alice, et un grand écrivain qu’on reconnait comme Philip Roth (et appelé Esra Blazer dans le roman). Et il est vrai que de décrire un personnage aussi connu que Philip Roth n’est guère facile, je dirais même qu’il s’agit d’un challenge, plein de chausse trappes et de fausse routes.

Car, soit on s’attèle à raconter de façon obscène les petits défauts du génie, ses mesquineries et ses faiblesses, et dans ce cas on tombe dans l’horrible (profiter de sa jeunesse pour humilier un bien plus grand que soi), soit on choisit d’étaler son admiration et ses sentiments et on devient la stupide groupie qui ne cherche qu’à exister en lieu et place du vrai génie.

Lisa Halliday réussit à éviter tous les pièges : pas d’hagiographie, pas non plus de cruauté à deux sous. On ne voit pas grand-chose des sentiments, d’ailleurs pas non plus de détails bien saignants ou croustillants pour nous émoustiller les moustaches. Mais un ton juste pour mettre en scène des petits morceaux de vie, des fragments d’histoires, des échanges anodins.

Mis bout à bout, ces éclats de réalité finissent par dessiner une silhouette, celle d’un vieil homme déjà bien malade (maladies coronariennes, maux de dos, tension…), qui a gardé le sens de la dérision, qui semble plein d’entrain et de dynamisme, espiègle comme un enfant, et qui sait se montrer généreux. C’est avec un peu de stupéfaction par exemple, qu’on lit qu’il choisit de lui faire un très joli et très onéreux cadeau : non, il ne lui choisit pas un solitaire, ni une robe du soir, ni un voyage à Honolulu, mais il décide de lui rembourser son prêt étudiant ! Incroyable ce que ça doit être romantique !

Philip Roth, si c’est bien lui, ce que je crois tout à fait, n’est en aucun cas caricaturé, ni encensé non plus d’ailleurs. Cet aspect du livre est le plus réussi, indéniablement. Elle sait nous le rendre « vivant », par des petites « vidéos » banales, non dépourvues d’obscénité (l’obscénité c’est de mettre sur la scène ce qui ne doit pas y être), mais extraordinairement signifiantes..

L’asymétrie, c’est aussi une question de structure du livre. Je n’aurais jamais voulu quitter l’histoire de Philip Roth pour m’avaler la seconde partie de ce livre, où Lisa Halliday met en scène, un américano-irakien, arrêté au contrôle de la correspondance à Heathrow, pour une vérification d’identité. J’ai commencé à tourner les pages, en me demandant quand et comment cette seconde histoire allait finir, mais non elle dure presque jusqu’à la fin. Et c’est très énervant, pour de bon !

D’autant que je ne voyais pas comment les fils du récit allaient se rejoindre. Et ce n’est qu’en troisième partie, qui est une transcription d’une émission de radio avec Esra Blazer que les fils se croisent. Mais c’est bien tard. Et la 3ème partie est toute déséquilibrée, à la fois pas sa longueur (très courte) et par son sujet : une émission de radio !

Lisa Halliday a peut-être fait le buzz littéraire avec ce livre, elle m’a vraiment prodigieusement horripilée. Elle est quand même culottée de remplir des pages avec des récits de matches de baseball, même si Philip Roth s’enthousiasmait pour le baseball…Elle exagère aussi  de glisser des citations très longues de grands auteurs au milieu de son récit (comme pour remplir la page à tout prix) , elle abuse aussi quand elle s’amuse à dresser des listes de tous ceux qui ont été retenus comme jurés dans un procès où la narratrice a été convoquée sans être elle-même retenue. On dirait qu’elle a cherché à « pisser » de la copie, à remplir des blancs, pas tellement avec n’importe quoi…mais presque.

Cependant, en prenant du recul et en y réfléchissant, n’était-ce pas justement son but : nous faire « sentir » son état à elle d’exaspération, de colère et d’impuissance alors qu’elle cherchait l’inspiration qui ne venait pas ? N’est-ce pas sa façon à elle, de nous faire ressentir qui était le GRAND Homme, non pas en le décrivant, mais en racontant des expériences de vie, des petits moments arrachés au quotidien qui ne signifient pas grand-chose en eux-mêmes mais qui finissent par nous faire entrer dans le jeu, comme si nous étions nous même acteurs de son histoire?

Je reste convaincue que Lisa Halliday nous trahit, qu’elle ne veut pas raconter et qu’elle joue avec notre patience et notre indulgence de lecteurs.

Mais ce livre est d’une grande originalité et en cela, il vaut la peine.   

Asymétrie (Lisa Halliday ed Gallimard)
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L
Bonjour je viens de terminer ce livre et pour moi les fils ne se sont pas croisés dans la dernière partie. Je n’ai pas vue le lien entre la pluie 1 et 2. Je reste donc sur ma fin... pouvez vous m’ éclairer ? Merci
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C
c'est justement le côté asymétrique cde ce livre. Elle parle de l'interview d'Ezra Blazer et il n'y a pas de début ni de fin, à mon avis.