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Les bijoux de pacotille (Rond Point)

Les bijoux de pacotille (Rond Point)

La salle est relativement petite mais tous les  sièges sont occupés. Je sais qu’il s’agit d’un one woman show, mais que ce n’est pas un stand up rigolo.

Dès le début, dans le noir, c’est le récit de la tragédie : à l’entrée du tunnel  de Saint Germain en Laye, une voiture a raté l’entrée, traversé la chaussée, il y a deux morts qu’on a retrouvé enlacés, nus (car la voiture avait brûlé), sans papiers : la mère et le père de la narratrice. Pour toute trace, ne restent plus de cette nuit là,  qu’une boucle d’oreille en forme de fleur et deux bracelets en métal, noircis par le feu, des bijoux de pacotille qui sont restitués à la famille

L’histoire est vraie, la mère et le père de Céline Millat Baumgartner sont morts dans un accident de la route en juin 1985, quand la petite fille n’avait pas encore 9 ans.

Elle et son petit frère David auront une vie radicalement transformée.

Céline Milliat Baumgartner entreprend un travail de mémoire à travers les objets et photos qu’elle possède pour dresser le portrait de ses parents disparus. Un père souvent absent pour son travail et une mère actrice qui embrasse Depardieu dans un film de Truffaut (La vie devant soi).

Sur un plateau nu, surmonté d’un grand miroir, une petite fille se promène, d’abord silencieuse, et plonge dans ses souvenirs : « J’ai une multitude de photos de ma mère (..) , je tourne en rond dans mon lit (…), je réveille mon frère ».

L’actrice nous fait entendre le récit de son grand-père qui apprend à Colmar,  la mort brutale de sa fille et de son gendre, et qui a dû aller à Paris pour reconnaître leurs corps. Mais il n’en dira rien à ses petits-enfants. Céline Milliat-Baumgartner enlève ses chaussures, se promène pieds nus, ouvre le grand carton et  y prend des chaussons de danse; elle les enfile et esquisse quelques pas… « Les bijoux, c’est tout ce qui reste de cette nuit-là ! ». Le grand-père a pu identifier le corps de sa fille atrocement brûlée grâce à ses bijoux…

Comme son texte avait évité tous les pièges du genre (visionnage des détails, pathos, introspection), l’adaptation faite par l’actrice elle-même ne tombe dans aucun travers du spectacle « percutant », « bouleversant d’émotion » et autres « n’oubliez pas vos Kleenex ». L’émotion est là, surtout dans les yeux interrogatifs de l’actrice, qui semble étonnée de notre étonnement, mais l’émotion est retenue et domestiquée par les mots, par les pas, par les gestes, par la grâce de l’actrice. Il arrive même que l’on rie.

La mise en scène est totalement sublime, depuis l’arrivée des vagues qui se reflètent dans un grand miroir suspendu, jusqu’aux souvenirs filmés de l’enfance qui s’ouvrent dans le carton qu’elle a transporté sur la scène. Tout est délicat, sensible, fin et intelligent.

C’était parfait.

Texte de Céline Millat Baumgartner (que l'on peut lire, car faire face à une grande douleur nous concerne tous)

Mise en scène de Pauline Bureau

Les bijoux de pacotille (Rond Point)
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