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Le travail allemand

Le travail allemand

« Deutsche Qualität » : Je me demande qui peut bien être séduit, en France, par cet argument publicitaire, certes conçu pour être taquin ? Pour ma part, je l’avoue sans honte, ce slogan a le pouvoir de m’irriter. Le mythe de la qualité allemande, vieux de plus d’un siècle, est une légende xénophobe comme celle de l’élégance française, ou du flegme britannique,  et tout recours à des concepts génériques de ce genre s’avère au mieux stupide, au pire dangereux.

Et puis, ça m’énerve que l’Allemagne soit citée en exemple pour tout et n’importe quoi, même sur le ton de la plaisanterie. Que nous soyons préoccupés de singer un modèle (qui marche plutôt bien, il faut le reconnaître) m’incommode. Chacun son génie, après tout !

Tout ça parce que j’ai voulu voir de plus près comment l’Allemagne fait pour avoir réduit son taux de chômage à moins de 5% alors que, dans notre pays, nous en sommes toujours à plus du double.

Il y a une quinzaine d’années, l’Allemagne connaissait, elle aussi, un très fort taux de chômage, équivalent au notre aujourd’hui. Il est vrai qu’il lui a fallu intégrer les travailleurs de l’ex RDA, qui trainaient la réputation d’être fainéants et sans compétences.  

Alors entre 2002 et 2003, une batterie de lois (dites lois HARTZ pour la plupart, du nom d’un ancien directeur RH de Volkwagen) sont venues modifier le « marché » de l’emploi.

C’est cet arsenal législatif qui est à l’origine du miracle.

En gros, il s’agit de lutter contre le chômage de longue durée (plus d’un an) et d’attribuer au « client » (ce n’est plus un allocataire) une indemnité forfaitaire unique de 400 euros par mois. L’attribution de cette indemnité est strictement contrôlée et tout manquement fait l’objet de punitions sévères. Et en début 2017, il y avait ainsi 6 millions de personnes qui relevaient de ce dispositif. (dont des enfants, attention, cela ne doit pas conduire à ré-évaluer le nombre de chômeurs).

Les jobcenters sont chargés de tout vérifier, et ils sont très autonomes, ils peuvent par exemple s’enquérir de vos partenaires sexuels et de vos enfants, eux aussi convoqués, pour être « conseillés » sur leur orientation professionnelle par exemple, car ils procurent quelques 300 euros au budget familial. A tout moment, si vous – ou un de vos enfants-ne peut pas venir  à la convocation, des ponctions sont effectuées sur votre allocation. Et ce n’est pas rare du tout, plus d’un million de sanctions ont été décidées en 2016, d’un montant moyen de 100 euros. Il ne reste plus grand-chose pour manger dans ces conditions !

Et les jobcenters vous poussent à prendre des mini-jobs à plein temps pour 400 euros, ou à temps très partiel, ou très précaires.(et l’acceptabilité du travail va jusqu’à proposer des jobs dans des sexshops- à la caisse- à des grands-mères).

Du coup la proportion de travailleurs très pauvres (moins de 900 euros par mois) est passée de 18 à 22 %. C’est quand même un travailleur sur 5, dans un des pays les plus riches de la planète et qui n’a pas de problème de dette !

On a donc transformé des chômeurs en travailleurs miséreux ou en allocataires étroitement surveillés.

Ceci étant, l’Allemagne, selon une étude OCDE, aurait conservé plus de rigidités dans la protection contre les licenciements. C’est ainsi que  les licenciements de salariés en contrat à durée indéterminée en Allemagne sont encadrés et doivent être justifiés. L’employeur souhaitant licencier lorsque son entreprise est en difficulté doit justifier que la réorganisation du travail dans l’entreprise exclut le maintien du salarié dans l’entreprise : en d’autres termes, que le licenciement est la dernière option pour sauvegarder la compétitivité de l’entreprise.

« Sur certains points, la loi allemande est plus stricte que la loi française. En cas de faute grave de l’employé, l’employeur a deux semaines à partir du jour où il apprend la violation du contrat par son salarié pour réagir et notifier le licenciement à ce dernier. Le délai de préavis à respecter pour l’employeur est également plus élevé de l’autre côté du Rhin pour les salariés ayant cinq ans ou plus d’ancienneté (jusqu’à sept mois pour vingt ans d’ancienneté contre deux en France). » (source OCDE)

Alors que faut-il penser de ce rapide survol ?

Je ne crois pas qu’il faille comparer, comme je l’ai dit plus haut.

- L’Allemagne possède une industrie que nous n’avons plus. (je ne cherche ni causes, ni responsables, je constate).

- Toutes les études montrent qu’un droit du travail plus rigide n’est pas relié à un taux de chômage (voir le droit des licenciements en Allemagne),

- Il y a des points positifs, certes, dans ce suivi des chômeurs, mais aussi beaucoup de points peu enviables. (intrusion, stigmatisation, extrême fragilité)

Le paradis allemand est tout à fait relatif, mais personne n'en doutait, je pense?.

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